Suite des tribulations de l’Allemand brûlé Burnt Friedmann (alias Drome, Some More Crime, Nonplace Urban Field) au pays du dub. Cette fois accompagné d’un batteur, d’un bassiste, d’un DJ et d’un guitariste, il mélange son dub électronique (qui a atteint un sommet avec l’album Golden star sur Incoming) à un « vrai » dub acoustique. Le résultat : un disque subtil et décalé, lisse et intemporel, baigné d’un humour post-moderne permanent (des noms de musiciens débiles, Bernie the Bolt, The Cousin of the Sausage Smearer, etc.), des liner notes délirantes inspirées des 70’s qui détaillent l’histoire de chaque musicien et le matériel utilisé, le fait que le disque ait été soi-disant enregistré en Nouvelle-Zélande en janvier 1996, les titres des morceaux, le tout sorti sur le label de Stefen Betke (alias Pole), autre fan notoire de dub.

Bref, dix morceaux au son parfait, ample et palpable (la production est incroyable), tout sauf roots évidemment, mais qui, à leur manière, rendent hommage au dub, en le refroidissant. Les trois premiers morceaux sont les meilleurs : Hut selector, qui oscille entre délicatesse et envolées planantes ; Just landed, juste tribut à King Tubby (comment ne pas le citer ?), ses échos et ses basses trop humaines ; et surtout Cassock attack, parfaite petite gemme électronique et émouvante, qui évoque aussi bien Plone et Autechre qu’Augustus Pablo, récemment disparu. Le reste du disque se partage entre morceaux très (trop) classiques (Railway place, Hohoura heads far north, I shot the fashion victim -!) et quelques incongruités : Worldwide watchdog peepshow (déjà présent sur la compilation Ninja Tune Flexistentialism), qui évoque à peu près Hawaii en 1967, soit une exotica élégante et toujours bienvenue ; It’s thunder, qui évolue dans des climats éthérés quasi new wave, aussitôt relayés par l’electronica humide et tropicale de Dub to the music, emplie de sagesse. Enfin, le dernier morceau vocodérise chaotiquement le dub, le rendant d’un coup tellement plus club, plus classe, et surtout plus triste (parce que décidément, non, malgré les couleurs chaudes de la pochette, on n’est pas en Jamaïque, mais quelque part aux alentours de Cologne, en 2000).

Conclusion : si vous suivez de près le parcours de Burnt Friedmann (assez passionnant), il vous faut ce disque. Si vous aimez le dub électronique, il vous faut ce disque. Et si vous aimez le dub, il vous faut ce disque, qui reprend à son compte et pousse assez loin l’idée que le dub est une des premières musiques à avoir considéré le studio comme un instrument à part entière.