Brendan Perry n’est pas un inconnu pour beaucoup d’entre nous. Il a incarné pendant plus de seize ans la moitié du duo Dead Can Dance avec Lisa Gerrard. Le duo s’étant séparé et Lisa ayant déjà deux albums solo à son actif, Brendan revient sur le devant de la scène avec Eye of the hunter, un album qui devrait ravir les fans de DCD tout en glanant une bonne partie de nouveaux adeptes. La séparation de Dead Can Dance, survenue l’an dernier, s’est faite dans la douleur et seule Lisa semble s’en être bien sortie. Brendan avait commencé le travail de composition et certains arrangements de Eye of the hunter il y a quelques années, en marge du groupe et à côté de quelques musiques de scène, mais il a eu du mal à avancer.

C’est donc entouré de trois musiciens qui l’ont rejoint dans son studio de Quivvy Church, en Irlande, que Perry s’est remis au labeur et a terminé le disque comme s’il s’était agi d’un exorcisme. Et si exorcisme il y a, on le sent déjà dans les sonorités qui, sans s’être totalement éloignées de celles de Dead Can Dance, semblent beaucoup plus orientées vers l’acoustique d’un folk sans âge. La présence d’une reprise de I must have been blind de Tim Buckley marque bien la direction que semble vouloir prendre Brendan Perry à présent.
Mais exorcisme il y a également au niveau des textes. C’est en effet la première fois dans sa carrière que Perry place autant en avant des suites de mots constituant de vraies phrases. Les textes sont véritablement écrits, et, surtout, intelligibles pour tous, très clairement chantés d’une voix unique et reconnaissable entre toutes, mais qui gagne ici encore plus dans sa maîtrise de l’art du chant de tête. Sans doute parce que la facture des chansons elle-même est très classique : une alternance de couplets et de refrains, alors que le duo avait souvent recours à la forme du choral chère à Jean-Sébastien Bach. Ici, ce sont bel et bien la guitare et le crayon qui ont été les seuls outils de composition et d’écriture. Les chansons n’en prennent que plus de puissance évocatrice grâce à la couleur des sons qui servent le discours musical. Si la guitare a permis de composer, elle se fait discrète dans la version finale des morceaux, laissant la place aux claviers et aux re-recordings de voix. L’exemple parfait étant le final Archandel. Mais les plus belles pièces se trouvent au début de Eye of the hunter, notamment Voyage of Bran, qui distille un je-ne-sais-quoi mélodique des temps anciens irlandais, et l’impression que l’âme torturée de Brendan Perry n’a pas encore trouvé le repos…