« Le groupe ne fait que s’améliorer », affirme Branford Marsalis à propos de cette deuxième mouture de son quartet, avec Joey Calderazzo au piano à la place de regretté Kenny Kirkland, mort en 1998. « Même si vous l’avez écouté il y a trois ou quatre ans seulement, vous verrez la différence. On sonne plus dense, plus explosif ». Explosif, le terme convient plutôt bien à « Jack Backer », le premier morceau (long de plus de quatorze minutes) de ce nouvel album en partie placé sous le signe de l’énergie, avec l’ambition avouée de communiquer via le disque la même pêche que celle dont profitent ceux qui voient le groupe sur scène : virtuosité et intensité du jeu du leader, plus coltranien que jamais, rugissements maîtrisés du piano et de la basse (Eric Revis) et, surtout, torrent éruptif du formidable batteur Jeff « Tain » Watts en toile de fond, lequel s’offre un très beau solo aux alentours de la onzième minute. Passé cet enthousiasme initial, force est malheureusement de constater que la suite n’est pas à la hauteur de la promesse : le quartet s’essouffle souvent, semble se chercher et offre des propositions très inégales, notamment dans les ballades (malencontreusement placées l’une à la suite de l’autre sur l’album, d’où un tunnel d’une vingtaine de minutes où l’attention tend franchement à se relâcher). La machine repart avec Blackzilla avant de tourner à l’incongru avec O solitude, une reprise de… Henry Purcell. Pourquoi pas, après tout, d’autant que le sentiment mitigé laissé par ce morceau inattendu (traitement banal, certes, voire mièvre et sobre jusqu’au démonstratif, mais on ne l’écoute paradoxalement pas sans plaisir) met en lumière l’une des failles du disque : des compositions qui ne sont pas à la hauteur de cette Ferrari qu’est le quartet, et qui font qu’on ne laisse finalement aller ce Braggtown jusqu’au bout qu’avec une attention polie mais distraite, parfois réveillé par un coup de feu jubilatoire, souvent ennuyé par des thèmes qui tournent à vide. Dans l’ensemble, ça n’est pas donc un grand cru.