Quelques-uns des meilleurs noms de la scène hip-hop réunis pour un ultime round avec Bob Marley. Des duos déroutants sur un album de Marley qui sort à titre posthume. Une sorte d’hommage rendu par la jeune génération. Turn your lights down low avec Lauryn Hill sa belle-fille. Johnny was avec Guru de Gangstarr. Survival avec Chuck D de Public Enemy. Concrete jungle avec Rakim, Jammin avec Mc Lyte ou encore No more trouble avec Erykah Badu. Un rendez-vous audacieux qui choque (il fallait y penser) les puristes du reggae roots… A-t-on le droit de ramener la voix de Marley en studio, longtemps après sa mort ? N’est-ce pas un sacrilège ? Sur un plan purement musical, il n’y a pourtant rien à dire. C’est même une prouesse technique. Arrangements soignés, tempo harmonieux, mariage sonore délicat mais réussi. Les textes sont là, renforcés, avec la pensée toujours aussi radicale. Sur un plan éthique par contre, le débat risque d’être compliqué, même s’il est vrai que ce sont ces enfants qui ont managé cette opération de reliftage un peu particulière.

Nous vivons une époque où tout est à vendre. Il n’y a rien qui échappe au marché. Beaucoup crient ainsi au crime organisé et parlent de surexploitation douteuse du patrimoine légué par le géant du reggae. Babylon aurait encore gagné. Mais qui peut nous assurer que Marley n’aurait pas tenté un coup pareil de son vivant ? Question qui laisse perplexe. Malheureusement ou heureusement (c’est selon), les morts ne causent pas.
Reste l’album… Une performance admirable, malgré tout ce qu’on peut en dire, qui surprend de bout en bout. Une réussite qui séduira certainement un nouveau public, susceptible de rejoindre les rangs du reggae, bien que passionné par une autre musique (le rap). Ceux qui ne veulent pas de cet album peuvent de toute manière retourner à l’authenticité des enregistrements originaux : l’émotion est toujours la même. Pendant ce temps, Chant down Babylon grimpe sur les charts. Les héritiers sont heureux. La plupart en tout cas.