Deux ans après l’éblouissant The Newton plum, Benoît Burello, alias Bed, revient en grande forme avec Spacebox, qui confirme les ambitions affichées sur ce premier opus. Soit enregistrer une musique universelle, chantée en anglais, qui sorte des sentiers balisés de la pop en empruntant un idiome aux textures parfois free jazz. Le pari est gagné, Bed ayant réussi à marier à la perfection sonorités acoustiques et mélodies pop, dans un espace où s’expriment librement des instruments aux accents organiques. Il est ici secondé par le guitariste Olivier Mellano, aperçu notamment avec Dominique A., le batteur Jean-Michel Pirès, pilier des Married Monk dont le projet solo Headphone est à surveiller de très près. Le bassiste Vincent Ferrand emploie une double basse qui rappelle le Tim Buckley de Blue afternoon ou de Lorca, alors que Benoît Burello exprime un langage rare, celui employé jadis par Robert Wyatt, dont Bed semble aujourd’hui être le disciple le plus doué. Ainsi, certaines fulgurances de piano, notamment sur Nightsweeping peuvent rappeler Rock bottom, tandis que le chant de Benoît Burello ne doit rien à personne, grave et fier, tenant parfois le rôle d’un instrument à part entière.

Cet album est très aéré, avec un sens aigu de la prise de son, une sorte d’artisanat sonore que l’on retrouve sur l’album solo de Mark Hollis, sur certaines productions West Coast de Gil Evans ou le Free fall du trio de Jimmy Giuffre, disques dont Bed nous a dit le plus grand bien. Les morceaux s’étirent ici avec une raison impérieuse, et emmène l’auditeur dans un univers onirique à souhait. The Wood bunch, qui clôture l’album en beauté, s’écoute en boucle, aussi romantique que la poésie oubliée de Maurice de Guérin. Un opus atypique et anachronique au sein du paysage musical français contemporain. Seul Sylvain Chauveau et Arca atteignent aujourd’hui pareille intemporalité sonore en France.