On assiste en ce moment à un questionnement assez stupide dans la presse papier française, spécialisée ou pas. Il s’agit de savoir comment et pourquoi Mutations est sorti sur Geffen et pas Bong Load -sur lequel il devait effectivement sortir au départ-, et si Mutations est un moment de distraction dans la discographie de Beck ou bien si c’est un album vrai de vrai sérieux et tout et tout. C’est en fait assez simple : Beck devait en effet donner ce Mutations à Bong Load, label qui l’a lancé, puisqu’il en a la possibilité contractuelle. Seulement, à l’écoute de bandes, les gens de chez Geffen se sont dit qu’il devait absolument paraître chez eux. Et on aurait presque pu assister à un procès, tant ils semblaient tenir à la chose. Finalement, cela se régla à l’amiable, entre gens courtois. Voila tout. Ensuite, pour ce qui est de savoir si Mutations est un « vrai » album de Beck ou une récréation futée, la question en elle-même est insultante. On voit rarement un artiste apposer son nom sur un disque et admettre qu’il aurait pu le faire par-dessus la jambe (pourtant, Prince ou chez nous, Mc Solaar, l’ont bien fait, mais c’était pour honorer un contrat finissant et emmerder leur maison de disques).
Occupons-nous de musique, et mettons tout de suite les choses au clair : Beck Hansen est décidément un drôle de garçon, diablement doué. Le plus fascinant sur ce disque est la facilité qui s’en dégage, ainsi que l’impression de maturité. Pourtant, Beck est encore presque un jeune homme, est son œuvre est loin d’être faite. Tant mieux pour nous, c’est que l’avenir nous réserve des découvertes encore plus réjouissantes que Tropicalia, bossa samba tout simplement géniale, à croire que Beck est brésilien de naissance ; O Maria, complainte countrysante à réminiscences lennonesques ; ou Diamond bollocks, titre pour lequel on pourrait dire en raccourci : Beck en a.
Si le temps est au mid-tempos, il n’est pour autant pas à l’ennui. Chaque morceau réserve jalousement ses surprises à l’auditeur, avec pour point commun entre tous un sens proprement ébouriffant des mélodies, de la note juste. Et s’il faut peut-être encore un peu attendre pour affirmer que Beck est le plus grand songwriter américain aujourd’hui, il se pourrait bien que dans un futur proche, nous soyons obligé de nous rendre à l’évidence. En attendant, profitons de ces treize pépites qui nous aideront à passer un hiver forcément plus heureux.