Aphrodite, c’est Gavin King, un monsieur du Sud de Londres, avec des tee-shirts trop grands et une queue de cheval. Pas aussi sexy que la déesse de l’amour évidemment, mais assez intéressé par la chose quand même. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à son site pour se rendre compte que le corps féminin et la plage l’inspirent beaucoup. Bref, Aphrodite, c’est (depuis le début, c’est-à-dire depuis longtemps) de la jungle basique comme on n’en fait plus et qu’on n’entend plus que dans les clubs énormes. Les photos dans le livret l’attestent : la spécialité d’Aphrodite, c’est l’agitation des foules. Et pour ça, il ne recule devant rien. Toutes les recettes les plus simples, tous les clichés les plus éculés y passent. Ici, la fin justifie les moyens.
Jugeons-en : une intro pompeuse du genre Robert Miles (on rigole), un Cross channel (avec des cris de mouettes, on est déjà sur le ferry !) plutôt réussi et nous voilà en plein dans le vif du sujet. Ceci suivi par un tribute aux Spice Girls (Spice (even spicier)) ou à l’épice chère à Frank Herbert, qui commence comme un titre cosmique de Biosphere mais se poursuit avec un solo de saxo d’un kitsch absolu, puis par une ligne de basse simple et funky. Rincing Quince (slider mix) sample allègement les Nightmares On Wax qui eux-mêmes avaient samplé un truc de soul, et nous voilà dans les volutes de fumée de la facilité : drum rolls à gogo, lignes de basse énormes, légère atmosphère de dance hall, vraiment le but est clair : chauffer, chauffer, chauffer.

Dans le genre, Style form the dark side’99 fait fort. J’imagine ce titre passé à fond dans une rave : boum ! Un hymne, stupide donc, mais tellement puissant -avec juste ce qu’il faut de montées et de descentes brutalement stoppées pour ravager les cœurs et exciter les sexes entassés dans un hangar à 250 F le ticket. Cool flight guette l’apesanteur, toujours grâce à cette science maîtrisée de la basse à soulever les estomacs, même ceux qui sont habitués aux trous d’air. Avec Aphrodite les choses sont simples : ça s’appelle Cool flight ? Parfait, alors il met des bruits d’avion. Cool ! A côté de ça, Stalker est plutôt classique et pourrait presque faire penser à une production Metalheadz, s’il n’y avait ce saxo… King of the beat rappelle à bon escient que la jungle n’est que du rap accéléré, chromé, customisé, mais quand même du rap : relativement mortel. Refrain : « The king of the beats’ gonna rock the place. » La vie est simple, quoi. Il n’y a qu’à écouter le rythme : Listen to the rythm. Très influencé hip hop aussi, il démarre d’autant plus fort que l’intro hip hop aura échauffé les esprits. Music’s hypnotising commence avec des clarinettes phasées d’un goût discutable et s’enlise dans la banalité, malgré des effets électroniques tellement puissants qu’ils se résument à cela : leur puissance. Woman that rolls ne fait pas non plus dans la dentelle : tout y est énorme, ça fonctionne à plein régime. Refrain : « I need a woman that rolls. » Pêchée à Malibu, si possible. D’ailleurs, Summer breeze conclut ce disque sans complexe avec des chœurs féminins atroces, entre Spice et r’n’b. Bon, faut du romantisme à la fin d’une rave, sinon l’acide tout seul, c’est pas drôle.

Aphrodite fait comme si la jungle battait son plein et n’était pas déjà morte. Il ne fait même pas semblant d’avoir des choses à dire. Il veut faire danser et se fiche du reste. Si vous avez déjà une grosse discothèque drum’n’bass, laissez tomber. Sinon, pourquoi pas, à condition de parvenir à faire abstraction de l’ambiance ultra cheap et vulgaire qui entoure cet album. Toujours plus facile dans une fête…