L’album international du plus célèbre couple aveugle du Mali. Amadou et Mariam. Passionnément tourtereaux, encore et toujours. Autrement dit, je t’aime, moi non plus. L’Afrique de l’Ouest les connaît depuis fort longtemps. Ils y ont sorti leurs cinq précédents albums avec bonheur, bien que sous label artisanalo-indépendant. A Bamako, leur ville natale, on se rappelle encore de leurs débuts à l’institut des jeunes aveugles. Mais à Paris, ce fut l’une des révélations world de cette année 98. Porté à l’unanimité par les médias, séduit à l’idée de toucher enfin un public plus large, le duo nous l’a joué pour une fois à l’américaine. La grosse machine a été mise en place pour les enregistrer… Un petit coup de star-system, légèrement kitch pour l’époque, mais à la manière des vieux couples légendaires de la musique noire américaine (Ike & Tina ou encore Otis et Carla), leur a été arrangé. Un rapport avec l’univers de la soul music qui est clairement revendiqué, même dans le rythme. Le traditionnel groove du blues mandingue, même lorsqu’il remonte vers le Nil par l’instrumentation (l’utilisation du ney égyptien), se trouve en effet rattrapé ici par un savoir-faire dans l’orchestration que l’on supposait révolu (les ricains le disaient aussi !), avec guitares électriques, cuivres, harmonica à la rescousse notamment pour mieux enfoncer le clou, tout en traînant les pieds du côté de l’inspiration dite africaine, avec les traditionnels vibes. Le grand jeu, comme on l’aime dans la capitale de la sono mondiale !
Comme quoi les maliens savent faire de la bonne musique mais savent aussi accepter l’étiquetage pour qu’elle passe mieux les frontières. Amadou Bagayako et Mariam Doumbia chantent leurs comptines épurées et sincères en bambara, un peu en dogon et par moments en un français chaleureusement écorché qui finit par abattre quand même toutes nos réticences. Que dire de plus ? Sinon que ça swingue…