Ils firent tous les deux partie (c’est d’ailleurs là qu’ils se rencontrèrent) du Second herd monté par Woody Herman en 1947 : avec Stan Getz et Serge Chaloff, ils formèrent l’une des versions de ce carré magique dont le nom demeurera fameux -les « Brothers », déclinaison de « Four Brothers » qui, à l’origine, était un thème arrangé par Jimmy Giuffre. Les lecteurs de Jack Kerouac ont croisé leurs noms sur la pochette de Blues & haïku, l’un des albums qu’il a enregistré à partir de ses textes (peut-être savent-ils aussi comment les deux ténors quittèrent le studio sans même jeter une oreille distraite aux bandes, laissant l’écrivain consterné dans un coin de la cabine). C’est en 1956 qu’Al Cohn et Zoot Sims décident de créer leur Quintet et de trouver le temps, entre leurs innombrables engagements respectifs (Cohn travaille en studio pour le label RCA Victor et multiplie les arrangements, notamment pour la télévision ; Sims sillone le pays avec les différentes formations auxquelles il appartient, sans compter ses projets personnels), de se retrouver aussi fréquemment que possible ; c’est sur la scène du Half Note, à New York, qu’ils se produiront le plus souvent -pas moins de douze années de concerts réguliers.

Plusieurs albums jalonnèrent l’épopée, parmi lesquels From A to Z (1956) et, donc, ce You n’ me enregistré en 1960 avec Mose Allison (piano), Major Holley (contrebasse) et Osie Johnson (dm) : neuf plages swinguantes et veloutées où les « frères », puisant chacun à leur manière dans l’héritage lestérien, rivalisent de décontraction et d’aisance avec une tangible complicité. Les deux saxophones se croisent, se poursuivent, se trouvent et se provoquent dans une course virevoltante où, échangeant soudainement leur place (et troquant le ténor pour la clarinette sur Angel eyes de Dennis et Brent), ils se jouent avec virtuosité de la concentration d’un auditeur sans cesse surpris. La rythmique galope derrière eux, et s’efface finalement dans une Improvisation for unaccomanied saxophones finale littéralement éblouissante, sommet de cette session fraternelle à tous égards indispensable.