Adam Green, petit troubadour biblique perdu dans Manhattan, est une star chez nos cousins germains, en Allemagne. On l’a connu déguisé en lapin (ou était-ce en Robin des bois ?) au sein des séminaux et lo-fi Moldy Peaches, avant que la gentille Kimya Dawson et lui ne se séparent pour des carrières solos aux trajectoires divergentes (l’under-underground sur K Records pour Kimya, la gloire teutonne pour Adam), on l’a revu pour deux albums solos de haute tenue : un premier lo-fi et syd-barrettien, plein de non-sense et de punk-rock ; un second à pochette jaune, plein de cordes et d’ambition, avec son standard crooner Jessica Simpson, une ode admirative à une fille de rien. On le retrouve aujourd’hui délesté de son quatuor à cordes, plus rock’n’roll que jamais, accompagné à la ville comme sur disque par son groupe de rockers un brin balloche, des bons gars rustaud qui claquent batterie, basses et wurlitzer sur des chansons testostéronées, où le petit gringalet est devenu ogre glouton, son appétit multiplié par quatre, ses ambitions revues à la hausse pour la fête de la bière et les soirées Schlager.

Adam nous dit avoir beaucoup écouté le Berlin de Lou Reed et la trilogie berlinoise de Bowie-Eno, on veut bien le croire. Une telle notoriété de l’autre côté du Rhin a dû lui donner envie d’en savoir plus sur la géographie musicale de son pays de cocagne. Il n’empêche, on l’aimait peut-être mieux américo-américain, fan de Nick Drake et de Townes Van Zandt, que donnant dans le bastringue de cabaret, serait-ce sur le mode Kurt Weill meets le Velvet. Ses numéros de Monsieur Loyal et chanteur à boire tranchent un peu avec l’image bon enfant qu’on se faisait du personnage. Une habitude à prendre, des préjugés à perdre, peut-être. De fait, sur le morceau titre, Gemstones, ou sur Over the sunrise, Adam s’en donne à coeur joie, invectivant un public imaginaire, criant la fin du refrain, les morceaux passant quant à eux et sans crier gare de la mélodie romantique à la rengaine de bastringue, avec un parfait mauvais goût. Ce nouvel album est sans doute le reflet de sa conception : en groupe et sur les routes, les morceaux écrits ont du être testés le soir même sur le public car l’ensemble sonne presque comme un disque live, aucun arrangement extérieur ne s’ajoutant au fondamentaux rock de départ.

Ces réserves mises à part, Gemstones recèle quelques belles perles évidemment, permises par l’incroyable facilité mélodique d’Adam Green, son sens des refrains, sa modestie face à la toute-puissance des standards et à leur efficacité immémoriale. Green est en ce sens assez proche de Beck, en tant que transitaire d’une tradition, qu’il ne fait qu’interpréter finalement, avec sincérité et respect. Who’s your boyfriend est ainsi une ballade parfaite, un classique. Seules entorses à l’usage acharné de boogie-rocks enlevés, quelques titres sonnent 70’s et déconstruits, variant les lignes mélodiques en plusieurs plateaux et phases coq-à-l’âne, un peu à la manière de ses camarades de label, les Fiery Furnaces, mais sans l’audace flamboyante qui les caractérise. Adam utilise les changements de genres pour les tourner en dérision, interpréter son personnage avec outrance et exagération (sur Before my bedtime, il croone à mort). Restent les textes pornophiles et follement drôles, comme ce Carolina (« Carolina / She’s from Texas / Red bricks drop from her vagina / Oh her lips taste just like sunk ships / But her breasts taste just like breakfast. »), les tubes imparables (Emily, un peu à la Strokes), les chansons surréalistes, gonflée au non sense et au name dropping (rien que sur Choke on a cock : George Bush, Tony Blair, « Johnny Depp would call me on the phone »). Il n’empêche, ce nouvel album est une peu une déception. On y cherche en vain la sincérité et l’engagement de son auteur, qui semble bien s’amuser, mais un peu sans nous. Post-moderne ?