Nostalgie, fatalité, destinée, silences. Le nouveau roman de Yoko Ogawa, s’il renoue avec ses premières obsessions, ses marques de fabrique, parfois laissées de côté ces dernières années, avance avec plus de douceur (et donc moins de puissance). Il y a comme un apaisement dans les textes de la Japonaise, moins de violence dans les images, un rapport au corps distancié. On ne trouve plus dans ses récits les malaises obsédants de L’annulaire, du Musée du silence. On la reconnaît cependant. Le ton est toujours légèrement décalé, le rapport au passé et l’intemporalité circonscrivent ses histoires, l’oubli et la mémoire restent des thèmes fondamentaux. Mais la trame se pose sur des petits riens, des temps plus modestes, des personnages qui s’effacent.

Comme ce « Monsieur aux petits oiseaux », retrouvé mort, une cage et son oiseau chanteur sur les genoux. Un homme solitaire que ce Monsieur. Une vie passée aux côtés de son frère, après la mort de leurs parents. Un frère singulier, ne parlant que le pawpaw, incompréhensible idiome ; celui des oiseaux ? Une vie dans l’ombre, toujours à côté, pour accompagner, aider, écouter, traduire ce frère à part. Une vie de rituels, d’habitudes. La sucette pawpaw du mercredi. Les voyages imaginaires. Les sandwichs du midi. Régisseur d’un domaine à roseraie, le Monsieur aux oiseaux voit sans le voir le temps s’écouler, les années passer. Quand son frère meurt, il s’engage dans l’entretien de la volière du jardin d’enfants d’à côté, pour faire perdurer le souvenir. Les années passent, l’âge vient, ce qu’il croyait immuable change. Retraite, fermeture de la volière, décrépitude des lieux qu’il connaît depuis toujours. Petits oiseaux est un roman de la solitude, du temps qui passe, de ce qui le fige. Yoko Ogawa conduit pas à pas le long de cette vie pour presque rien, avec une infinie bienveillance.

 

Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle.

Photo : Masaaki Toyoura