Quatre enfants forment Gang -« pas le Gang »-, force armée d’Amplewick, petit village de campagne anglaise des années 70. « La vie de Gang était une préparation permanente à l’inattendu. Notre plus grande crainte était que la prochaine guerre soit nucléaire dès le début et qu’aucun de nous n’eût le temps d’accomplir les glorieuses prouesses que nous avions si souvent imaginées. » L’entraînement perpétuel, les langages codés, les planques secrètes, les mises à l’écart forment leur quotidien pendant un an. Et la violence continue, diffuse, verbale, psychologique. De la rencontre de ces quatre collégiens prépubères et de la naissance de leur organisation jusqu’à leur apogée sanglante, c’est tout le chemin, ou plutôt le cheminement, que retrace le roman de Toby Litt.

De cet auteur, une valeur montante de la littérature anglaise, on ne sait que peu de choses : le titre de son premier livre, Doux carnage (Seuil), passé inaperçu l’an dernier, et sa participation au collectif de nouvelles Les Nouveaux puritains (Au Diable Vauvert). Ce deuxième roman mérite en tout cas amplement la réputation qu’il s’est taillé en Angleterre grâce à la redoutable précision de son style. Si le genre n’est pas nouveau, l’auteur développe son intrigue avec efficacité et signe un roman pas aussi simple que les apparences le laisseraient penser, qui imprime au fer une vision des hommes contrastée mais dont la loi cardinale est : « Si nous voulons survivre, il faudra faire en sorte que ce soit nous, et non quelque autre espèce de créature, qui demeurions les plus aptes ». La vision fantasmatique d’une humanité en guerre avec elle-même fascine d’autant plus qu’elle est véhiculée par des enfants qui n’ont plus rien d’innocent. A rapprocher du Crime de Meyer Levin pour le brio de l’écriture et au Maître des illusions de Donna Tart pour la finesse psychologique, Gang est impossible à lâcher. Une des très bonnes surprises de cette rentrée.