Deux journalistes crevards décident de profiter du système : puisque les plus grands hôtels à travers le monde sont ravis d’accueillir gratuitement la presse dans l’espoir d’obtenir un article, ils se font passer pour des envoyés spéciaux et mènent la grande vie aux frais des palaces, avant de filer à l’anglaise et de recommencer plus loin sous de nouveaux noms… Thibault de Montaigu s’inspire dans ce roman d’un phénomène souvent épinglé dans les enquêtes sur les vices du journalisme : les petits cadeaux des entreprises à la presse pour se concilier ses bonnes grâces, sous forme de voyages, séjours gratuits, menus services, etc. Une pratique douteuse qui s’apparente à une forme de corruption douce mais qui peut aussi être considérée comme une rémunération complémentaire pour les journalistes, qui peuvent s’offrir le luxe de fréquenter des palaces en dépit de leurs revenus modestes. Cette manne, Klein et Vasconcelos, les deux héros, la transforment en mode de vie, devenant des virtuoses du parasitisme. Certains intellectuels verront même dans leur système une critique radicale du consumérisme contemporain…

 

Drôle, léger, vif, élégant et ingénieusement construit à la façon d’un dossier d’enquête, Zanzibar mélange une trame de polar (comment Klein et Vasconcelos ont-ils trouvé la mort ?), un jeu sur le vrai et le faux (ce qu’on raconte sur eux est-il exact ?) et un savoureux portrait de deux filous, qui poussent jusqu’au bout l’attitude du journalisme gonzo. Un roman qui est de loin le meilleur de son auteur, auquel on pardonnera du coup ses passages inutilement coquins (les échanges de mails entre Klein et sa girlfriend scandinave, prétexte à un peu de pornographie). On sera plus sévère en revanche pour les formulations incorrectes qui entachent le texte : on ne jongle pas « de A en B » mais « entre » A et B (p. 25), on ne dit pas « selon qu’on considère les choses » mais « selon la façon dont on considère les choses » (p. 26), on n’élit pas « une rue » mais « domicile » dans une rue (p. 54), on n’écrit pas « tout concorde à dire » (p. 60), etc. Maladresses regrettables, qui heureusement ne diminuent pas le plaisir qu’on prend à la lecture. Joli coup.