Pour ceux qui ne la connaissent pas, Poppy Z. Brite est un écrivain américain du même calibre que Virginie Despentes, c’est dire. Estampillée trash, l’égérie gothique de pacotille a fait parler d’elle avec le sulfureux Le Corps exquis, équivalent de notre Baise-moi national. Les éditions du Diable Vauvert, qui ont décidé de la sortir de la collection Horreur (chez J’ai lu) dans laquelle elle était confinée auparavant, publient aujourd’hui Plastic Jesus. Malheureusement, alors que l’objectif est de l’auréoler du statut d’icône de la contre-culture que son œuvre vaut certainement, l’opus en question aurait plutôt tendance à la ranger du côté des amateurs sans talent, qu’on aurait pu appeler également faiseurs sans qualités, ce qui revient au même.

Le postulat de départ, dont on apprend dans une préface et une postface hilarantes -il vaut mieux répéter les arguments sans intérêt, ça leur donne un certain poids- qu’il s’agit d’une vieille obsession de Poppy, suppose de repenser l’histoire des Beatles, du moins la paire créative Lennon et McCartney, en se posant une question si pertinente qu’on en reste baba : « Et s’ils avaient été homosexuels ? » Sur le même mode, on connaissait : et si le nez de Cléopâtre… La réponse, qu’on connaît également, donne : et la face du monde en eût été changée. Et c’est ce qu’entreprend de démontrer, avec la finesse d’un garçon boucher, notre équarrisseuse de mots. Après avoir retracé sommairement les débuts des Beatles, baptisés The Kydds pour l’occasion -« K-Y-D-D-S. L’orthographe bizarre aide à capter l’œil, mais le nom lui-même est très basique, très rock’n’roll »-, elle imagine leur première nuit d’amour et, surtout, leur coming out qui, inévitablement, eût amélioré le sort de la communauté homosexuelle. Inarrêtable Poppy, qui nous fait frémir de bout en bout.

Plus mauvais que ça tu meurs, a-t-on envie de lui dire dans son langage, en réponse à ce livre incroyablement ridicule, drôle indépendamment de sa volonté. Illustré par Poppy d’une dizaine de dessins noir et blanc de haute volée, traduit justement par Virginie Despentes qui dit apprécier son humour -quel humour ? tout est furieusement premier degré- et aura trouvé là un alter ego, le livre bénéficie même d’un packaging hideux, faussement psychédélique, tandis que la quatrième de couverture proclame que cette « chef de file d’une avant-garde d’écrivains entre underground et poésie du corps » est influencée par Stephen King, Denis Cooper et Baudelaire -Ouch ! Etonnant donc, que dans l’interview qui clôt ce recueil, la poétesse déclare : « Je connais d’ailleurs un peu Baudelaire ».

La question inévitable que se pose le lecteur en fermant ce roman qui ose, c’est de savoir si Max Gallo honorera Napoléon du même traitement. Et avec qui le grand homme pourrait bien avoir couché. On d’ailleurs peut multiplier les exemples : et si Zazie, au lieu de parler des « hormosessuels », s’était tout bonnement laissée tenter par un cunnilingus ? Ah ! que de questions tu soulèves, Poppy…