Il y a comme ça des promesses dont on ne doute pas que, de toute façon, elles seront tenues : ainsi en va-t-il de celle que nous faisait, il y a deux ans, l’auteur d’un premier roman intitulé Le Chameau sauvage, hilarant animal sur lequel plurent presque aussitôt compliments et distinctions (parmi elles, un Prix de Flore, l’une des rares sucettes d’automne où le lecteur d’aujourd’hui peut placer sa relative confiance, malgré un Jack-Alain Léger qui en ternit douloureusement le palmarès). Aussi abordait-t-on sans appréhensions ce second livre à l’intitulé alléchant, avant de réaliser, la centième page rapidement atteinte, que l’on tient probablement là l’un des romans les plus drôles et réussis du moment.

L’histoire : Titus rencontre Olive, immense blonde fringuée comme un sac -« Elle porte la jupe la plus laide que j’aie jamais vue (et pourtant je suis déjà allé en Allemagne) »- dont seule l’enveloppe corporelle, bandante au demeurant, se trouve à coup sûr rattachée à notre planète ; pour le reste, son sybaritisme paroxystique et sa flagrante ignorance des us comportementales de son époque la situent bien loin des voies balisées de la civilisation. A peu près incapable d’une vie dite normale, l’impossible Olive mange comme mille (« elle mange comme a du manger le gars qui a inventé la nourriture »), réside dans un studio dont le désordre relève du génie domestique (« Si quelqu’un peut vivre là dedans, un homard peut faire du poney ») et exerce sur le calme Titus un attrait croissant, rapidement concrétisé en de longues fornications dont la rédaction très complète par Philippe Jaenada donne lieu à quelques-unes des pages les plus réussies sur le sujet depuis un bon bout de temps : on y trouve, soit dit en passant, un guide pratique et progressif fort bien construit pour mener à bien une relation hétérosexuelle de type à peu près classique, lequel, s’étendant sur 13 pages entières, constitue l’un des mémorables morceaux de bravoure de ce Néfertiti. Et il y en a d’autres : cet intrus intestinal dont l’expulsion médicamenteuse sur fond de Requiem de Mozart est du plus haut romanesque, ce dîner d’amis où l’hystérique Olive supplie un Titus cramoisi de visiter sur le champ et dans le jardin ses quartiers de noblesse arrières, ou encore cette curieuse obsession névrotique qui hante de plus en plus intensément le narrateur (il voit des lapins partout).

A la fin, grandiose, Jaenada installe une tension dramatique inattendue qui éclaire d’un autre angle cette fille insensée comme on voudrait en rencontrer, cette histoire d’amour parfaitement dingue comme on voudrait en vivre. Loin des glandées sentimentales dont se nourrissent la grande majorité des cochonneries romanesques aujourd’hui, Jaenada (qui, avec les rares types de son genre, confirme cette idée qu’être drôle, c’est congénital. Les cohortes de spirituels qui suent sang et eau pour parvenir à la moindre saillie humoristique ne devraient pas essayer de passer pour autre chose que des tristes sires) signe un roman rien moins que formidable. Ceux qui peuvent supporter quinze lignes de Yves Simon après l’avoir lu l’ont mal lu.