« La vie est un slalom. Un spécial. Un géant ». ça, c’est pour le titre. Derrière l’arbre de la métaphore niaise et cool, on s’attend à un précipice d’inanité. On a raison. Super G n’est pas un slalom, c’est de la chute libre. Le livre est organisé en une suite de paragraphes numérotés qui font sans doute référence aux panneaux balisant les pistes de ski, chaque paragraphe étant invariablement constitué d’une suite de phrases courtes, basiques, dans lesquelles le narrateur s’adresse à son héroïne, Louise. Louise est une femme de 34 ans qui décide de changer de vie et rentre en Suisse, son pays natal, pour y devenir monitrice de ski alpin. Par le biais de cette formule rudimentaire, le narrateur relève les pensées de son personnage ou lui donne des conseils pour l’encourager à descendre cette pente abrupte qu’est la vie. Lorsqu’un point d’exclamation vient ponctuer une phrase, c’est pour en souligner la banalité : « Etre dehors et te geler encore ! Tu adores ». La langue de Nicolas Pages est ce qu’on pourrait appeler du « Français sympa » ; pas de l’argot, de l’injure ni dégoulinement verbal, non, juste des expressions de lycéen moyen. Louise, qui vient renaître à la montagne, nous dégueule toutes les banalités attendues sur les retrouvailles avec Dame Nature, vraie source de santé, d’humilité, de vérité, etc. Parallèlement, elle a des histoires avec des types qui portent toujours un prénom tiré du Nouveau Testament : Paul, son ex, un artiste fatalement égocentrique, insupportable et génial ; Pierre, un ami toxicomane et suicidaire ; Jean, un inconnu qu’elle baise après l’avoir rencontré par hasard. Après plusieurs échecs sentimentaux, Louise se réconforte auprès de son chien et de sa chatte et goûte aux plaisirs simples de la pêche et du jardinage, n’ayant toujours pas exorcisé sa relation avec son ex-mari.

Heureusement elle va rencontrer Marc, un jeune homme qui la réconciliera avec l’amour et la vie et la fixera malgré son tempérament parfois frivole (« Tu es une abeille. Tu butines et tu aimes te faire culbuter » : oui, c’est très drôle, parfois). Tourisme au Brésil, tourisme en Italie : le tourisme, cette tare moderne, semble représenter pour Nicolas Pages un Eden séculier facile à mettre en scène. La relation de Louise et de Marc, censée frôler l’idéal romantique, est pourtant décrite comme empreinte d’une banalité et d’une médiocrité éprouvantes : la longue liste de leurs habitudes ménagères et comportementales divergentes nous laisse entendre leurs frictions quotidiennes. Dans le corps du récit s’immiscent de la manière la plus abrupte et la moins justifiée qui soit de brefs épisodes à caractère catastrophique ou tragique. Lorsqu’on apprend par exemple le passé carcéral de Louise en un scénario finalement très peu crédible, on a l’impression assez nette que l’auteur a subitement éprouvé le besoin d’auréoler son personnage d’une bonne teinte de tragique et nous a refourgué ces deux trois paragraphes en plein milieu de ce qui fait office d’intrigue. Le livre n’est finalement pas pensé : on dirait qu’il va au hasard, ballotté par des tempos variables, sans structure ni dynamique internes. Il aurait été plus à sa place en feuilleton dans un magazine féminin, à côté du test du mois, pour exprimer sur le mode superficiel les soucis et les joies d’une trentenaire médiocre.