On avait laissé Jacques Gaillard sur l’histoire poilante (c’est le cas de le dire) d’un déséquilibré sympathique qui, ulcéré par le sentimentalisme animalier qui a pris possession de l’Occident depuis une vingtaine d’années, se vengeait par des meurtres sacrificiels de bestiaux précieux dans les zoos, arbalète à la main. Son deuxième roman s’inscrit dans la même veine, drôle et sans prétentions, encore qu’il perde un peu de son acidité satirique au profit d’un burlesque décomplexé et joyeusement fantaisiste. Le narrateur, 28 ans, est un jeune prof un peu branleur avec lequel on fait connaissance à l’hôpital. Suite à un triple tonneau en plein Bois de Boulogne, il se retrouve avec l’épaule en morceaux ; généreuse, la Mutuelle de l’Education Nationale l’envoie se reposer quelques jours dans une sorte de sanatorium alpestre peuplé de collègues plus ou moins atteints, physiquement ou psychologiquement. C’est parti pour un peu moins de 200 pages d’aventures futiles et diversement comiques, de dissertations loufoques sur Bernanos et Thomas Mann (le narrateur s’identifie volontiers à Hans Castorp, le héros de la Montagne magique), de dangereuses descentes à la ville, de congères, de paysages bucoliques et de considérations cocasses, le tout dans un style qui évolue entre le Jaenada old school et le Serge Joncour des bons jours. Gaillard ne casse pas de briques ni ne révolutionne le genre, mais ses sorties hilarantes reposent un peu du dolorisme nombriliste d’une bonne partie des romans français du moment. A recommander aux inconditionnels de P.G. Wodehouse, par exemple, en leur suggérant de s’habiller chaudement et de vérifier la météo avant de partir.