Gilad Atzmon ne fait pas mystères de ses sentiments politiques et son Guide des égarés nous emmène bien loin des chemins ouverts en d’autres temps par Maimonide : l’identité juive s’y mêle à la culture occidentale, l’ode à l’Allemagne à la pornographie et à une sexualité débridée. Et l’on se rend compte en avançant dans le texte qu’on ne sait jamais vraiment où en est : Atzmon joue, se tient sans cesse sur le fil entre ironie grinçante et hilarité un peu nerveuse (et aussi mauvais goût parfait), le tout étant illuminé par des traits de clairvoyance qui permettent de renouer avec le fil du récit. On ferme le livre en comprenant sans problème pourquoi Atzmon a été l’objet de tant de critique en Israël, haï par les conservateurs et fort peu apprécié par ceux qui ont choisi de vivre sur ces terres qu’il a quitté de bon cœur (celles d’ »Isra-Hell », comme il les appelle). Le malaise en tous cas est indéniable, de même que la force du texte qui, parfois, pourrait presque faire penser aux explosions d’un Céline. Sans oublier que chez d’autres, non juifs, ses provocations ne seraient jamais pardonnées. Qu’est-ce donc que ce Guide des égarés ? Autobiographie présentée en 2052 par le professeur Sharabi, de l’institut Allemand de documentation de Sion, quarante ans après l’anéantissement de l’Etat d’Israël, le texte claque. Bien sûr, précise Atzmon, rien d’autobiographique là-dedans ; mais quand même, quand on observe Günter, personnage central franchement antipathique, on lui trouve un certain nombre de traits qui seraient facilement applicables à Gilad lui-même, au moins sous forme métaphorique.

Pour le reste, Günter, notre héros né en Israël, sert dans l’armée lorsqu’il se découvre fondamentalement trouillard et obsédé sexuel. Après avoir expérimenté ses amours malheureuse sur ses terres, il décide de rejoindre l’Europe pour sortir d’un milieu qu’il supporte de plus en plus mal et partir à la découverte de quelque chose, même si il ne sait pas encore vraiment quoi. Destination l’Allemagne et les Allemandes, extraordinaires car « il n’y a rien de plus merveilleux qu’une vraie Teutonne, belle, bonne, blanche, baisante. Je suis Günter, me murmurais je à moi-même, je suis Günter de la race des exterminés, le tison sauvé des flammes, qui te baise par-devant, par-derrière, de profil, prends ça pour les six millions de morts. Je ne sais pas si cela venait du fait que j’ai survécu au four, mais dès qu’ils me voyaient, les Allemands étaient assailli par la culpabilité ». Au point que notre ami se lasse de tant d’idolâtrie facile et finit par sombrer dans les bras d’une poupée gonflable avant de se laisser finalement envahir par la brave Eva, laquelle qui deviendra folle après avoir donné naissance à leur fils. Accessoirement, Günter crée aussi la peepologie, discipline singulière à laquelle il donne ses lettres de noblesse sans apprécier pour autant les prolongements qu’on lui donne, misanthrope jusqu’au-boutiste. Pour ceux que le roman laisseraient sceptiques (ceux par exemple qui n’adhèreraient pas à cette phrase laissée en introduction : « Nous, membres de l’Institut, voyons dans ce document un témoignage personnel d’une valeur inestimable, ainsi qu’un précieux guide pour les égarés »), rendez-vous peut être pris dans l’attente de la traduction du second livre de Gilad Atzmon, lequel ne se fait par ailleurs pas de souci quant aux critiques que peuvent soulever ses textes. Son dernier album (il est aussi saxophoniste de jazz), MusiK, re arranging the 20th century, est sur la liste du meilleur album de l’année en Grande-Bretagne. C’est dire si l’homme a des ressources.