François Gorin a fait l’Amérique ». Nul doute à ce sujet. Il est arrivé là-bas comme n’importe qui, en passant par la douane et à l’en croire, comme des milliers d’autres touristes, il a été accueilli par un douanier plutôt patibulaire. J’allais dire, jusque là, il n’y a pas de quoi en faire un livre. En fait, en allant un peu plus loin, on découvre l’errance d’un personnage, lui-même, à travers des impressions plus ou moins retranscrites dans le journal qu’il tient. Le truc, c’est qu’en lisant ce journal, on découvre à notre tour l’ennui qu’un tel continent peut brasser. La zone. Zone puissance quinze mille. Une zone tellement zone que les zonards l’ont désertée. Il n’y a rien. Un petit vomis ici, une canette vide par-là. Pas d’aventures. Pas de personnages. On peut certes faire un livre sans ces ingrédients, mais ce qu’il faudrait, manque irrémédiablement à L’Amérique, pardon, à L’Améryque puisque par une sympathique coquetterie, l’auteur a « i gréquisé » son mythique continent.
En fait, François Gorin est journaliste, et il semblerait que ses journées soient de courtes chroniques, à chaque fois indépendantes des précédentes comme si d’un jour à l’autre il oubliait qui il était. L’effet de ce traitement est agaçant. On pose ce journal avec la curieuse impression qu’on ne le connaît pas plus après l’avoir lu. François Gorin écrit à la première personne mais ne dit rien de lui. Ce n’est pas de la pudeur, c’est un manque de consistance : ou l’Amérique est trop grande, ou l’été trop chaud. En fait, tout le monde possède un journal de ce type dans un fond de placard. En cherchant bien, vous trouverez l’Italye, la Tunysie, la Suysse ou pourquoi pas, l’Australye. La différence, c’est que le vôtre ne sera pas publié.
Ce journal de route est une suite de chroniques appliquées. Les longues journées de cet été 80 sont un recommencement Héraclitique lassant. En littérature, on aime que le fleuve fasse des boucles avant de disparaître.