On voit souvent écrit le nom de Bloy, cité par de nombreux écrivains ou journalistes, correctement réédité (du moins pour le principal : le célèbre Désespéré en poche, le journal chez « Bouquins », etc.). Il n’en reste pas moins qu’on ne retient souvent de lui que les dimensions spectaculaires : le pamphlétaire avec son style torrentiel, l’homme vitupérant contre son époque, l’exégète des lieux communs, le mal logé qui tire le diable par la queue, etc. D’autres aspects, sans être ignorés, sont moins abordés : le défenseur des Juifs, au moment de l’Affaire Dreyfus, et bien sûr le catholique, singulier, intransigeant, mystique, extraordinaire. C’est justement le sujet qui intéresse François Angelier (qu’on ne présente pas – Mauvais genres sur Culture, le Dictionnaire des voyageurs et explorateurs, les savantes rééditions d’Huysmans et d’autres, les ouvrages sur Claudel ou Jules Verne, etc.) dans Bloy ou la fureur du Juste, admirable petit livre qui, en 200 pages, non seulement condense l’essentiel, mais propose une méditation sur, ou à partir de, la pensée de Bloy.

Conformément au principe de la collection « Sagesses », le livre a deux parties. D’un côté, un abrégé de la vie de l’auteur de la Femme pauvre, focalisé sur la dimension intime et familiale plus que sur la dimension littéraire et sociale (même si rien de ce qui compte n’est négligé), écrit comme un roman, bourré de formules excellentes et de raccourcis évocateurs (Barbey d’Aurevilly, « mixte flamboyant d’inquisiteur et de drag queen » !) De l’autre, un parcours dans la pensée bloyienne, via quelques thèmes-clefs, parsemé d’extraits des 15 tomes de l’œuvre. Fin connaisseur de l’histoire du catholicisme, Angelier, qui n’hésite jamais à entrer dans les débats théologiques, replace Bloy dans le temps court (la reconstruction au dix-neuvième siècle du catholicisme terrassé par la Révolution, l’impact de Vatican I, la naissance du catholicisme social, etc.) et le temps long (l’influence sur Bloy du mouvement joachimite), voire très long (le millénarisme). Il trace le portrait d’un catholique absolu (absolutiste), presque inouï, qui aurait dû trouver sa place au cloître mais qui s’est trouvé dans l’arène littéraire où il a, autre formule bien sentie, « inventé la prière à coups de marteau ». Ce petit livre, on le comprend, est loin d’une introduction (quoiqu’on puisse le prendre comme tel), sa brièveté venant plutôt de ce qu’il file à l’essentiel, au plus profond, qui est en même temps le plus élevé. A recommander aux bloyiens amateurs comme aux profanes. A noter : on croise plusieurs fois dans ces pages le nom de Louis Massignon, fameux islamologue et autre marotte de l’auteur, qui annonce pour bientôt sa biographie. Affaire à suivre, donc.