D.F.W.
Notez bien cet acronyme, vous devriez le lire souvent dans les pages de Chro ces temps-ci. DFW comme David Foster Wallace, of course. Pourquoi ? Parce que Infinite Jest, son chef-d’œuvre attendu depuis 20 ans, est traduit cette rentrée à l’Olivier. L’infinie comédie, en français. À suivre.

Houellebecq contre Le Monde
Ca a été le feuilleton de l’été dans le milieu littéraire. Ariane Chemin, célèbre journaliste du Monde spécialisée dans les ragots politiques et les révélations fracassantes, a trouvé une idée de papier fabuleusement originale, sur un écrivain dont personne ne parle jamais : Michel Houellebecq. Difficile de faire moins attendu. Las : l’intéressé, qui apparemment n’aime pas trop la journaliste, a refusé de lui répondre, et l’a fait savoir en mettant sa lettre en copie à une trentaine de personnalités du milieu littéraire. Et, pour bien enfoncer le clou, il a donné une longue interview au Figaro Magazine, que ce dernier, ravi, publie en feuilleton depuis des semaines. Pas découragée, Ariane Chemin publie son enquête sans interview, et Le Monde fait sa pub sur la polémique. Moralité : où que vous mettiez votre nez, vous mangez du Houellebecq. Quand il parle, il y a un article. Quand il refuse de parler, il y a un article. Le fait qu’il refuse de parler génère des articles, etc. Houellebecq, Dieu-vivant, dont le moindre éternuement est accueilli par nos confrères comme un oracle. Le suivisme du milieu journalistique-littéraire devient tel que la littérature française contemporaine entière se résume aujourd’hui à Houellebecq. Ils ne connaissent que lui, ne veulent avoir affaire qu’à lui, ne conçoivent pas d’évoquer qui que ce soit d’autre. Il y aurait une étude à faire, au plan sociologique.

Vous allez en entendre parler
Alain Mabanckou. Agnès Desarthe. Jean-Philippe Toussaint. Sorj Chalandon. Laurent Binet. Charles Dantzig. Yasmina Khadra. Carole Martinez. Mathias Enard. Alice Zeniter. Claro. Tristan Garcia. Amanda Sthers. Oui, des noms qui font envie, d’autres qui foutent les jetons.

Liberati contre Ionesco
L’autre feuilleton de l’été. Fin juillet, la photographe Irina Ionesco attaque son gendre, Simon Liberati. Motif du scandale : il parle d’elle dans Eva, son roman à paraître en août chez Stock, et consacré à Eva Ionesco, l’actrice – sa femme, donc. Apparemment, Irina Ionesco est meurtrie par les atteintes à sa vie privée que contiendrait le roman. De nombreux commentateurs n’ont pas manqué de relever qu’il y a quelque chose d’étrange à voir Irina Ionesco se préoccuper de vie privée, sachant qu’elle a passé la moitié des années 1970 à prier sa fille, alors âgée de dix ou douze ans, d’écarter les cuisses pour la photographier et, même, de figurer dans des films érotiques. Les deux femmes sont d’ailleurs fâchées à mort, opposées dans des procès divers, et ne se parlent que par avocats interposés, paraît-il. (A propos d’avocat, on note que la photographe était défendue par Maître Emmanuel Pierrat, célèbre opposant à la censure, qui trouve tout naturel de demander au juge qu’un roman soit expurgé de nombreux passages. Mais c’est son métier, après tout). Toujours est-il que la plaignante a été déboutée par le TGI de Paris, et que le roman de Liberati sort aujourd’hui, sans coupure. Tant mieux. C’est un livre magnifique, toute la presse va vous le dire. Nous compris.

Plagiat
« Chers amis libraires,

L’ouvrage de Régine Detambel Les livres prennent soin de nous contient plusieurs citations, non référencées comme telles, extraites de deux ouvrages de Madame Michèle Petit intitulés Éloge de la lecture. La Construction de soi et L’Art de lire ou comment résister à l’adversité, publiés aux éditions Belin.

Contactés par Michèle Petit, nous nous sommes engagés à réaliser la communication ci-jointe afin qu’il soit procédé à son insertion au sein des exemplaires de l’ouvrage de Régine Detambel, actuellement disponibles.

Nous vous prions dès lors de bien vouloir instamment insérer ladite communication dans chacun des ouvrages présents dans votre point de vente ».

(Courrier reçu début juillet par les libraires.  D’après Télérama, Actes Sud récuse le mot « plagiat », préférant celui de « formalisme non respecté dans la citation des sources »).

Sélections estivales
Avant l’ouverture des hostilités, des âmes valeureuses s’essayent à faire le tri en proposant leur sélection parmi les 589 romans de la rentrée. Les gens de la FNAC, par exemple, qui publient une liste de candidats pour son prix du roman, décerné le 1er septembre. Il y a 30 noms, impossible de les citer tous. Par malheur, ils sont classés par ordre alphabétique, ce qui fait qu’on tombe d’entrée de jeu sur une anomalie : Christine Angot. Quand on a vu ça, on n’a plus trop envie de savoir qui sont les 29 autres.

Navets
Il faudrait lire les 589 romans, pour calculer convenablement la proportion de navets. Une estimation ? 25%, minimum. Certains disent plutôt 55%. Difficile à déterminer. Des exemples ? Eh bien, je ne sais pas, moi. Si, un, au hasard : Gratis, de Félicité Herzog (Gallimard). C’est injuste, de ne citer que celui-là. Mais comment les citer tous ?

Littérature à la télé
François Busnel rempile sur France 5. France 2, elle, continue de faire honte à sa qualité de chaîne de service public. En même temps, si c’est pour inventer une énième émission de talk animée par Guillaume « comment dirais-je » Durand, c’est pas plus mal.

Sélections estivales (bis)
Pour ne pas être en reste, une autre chaîne culturelle, Cultura, propose aussi sa sélection. Plus modeste : 6 livres, et plus angulée, comme on dit dans la presse : des découvertes – ce qui ne signifie pas forcément des premiers romans, témoin Sophie Divry, dont on avait bien aimé le premier roman, justement, paru l’an dernier. Moment de panique : le jury était présidé par Gilles Legardinier. Allez, voici quand même la liste : Divry, donc (Quand le Diable sortit de la salle de bain, chez Noir sur blanc), Camille mon envolée, de Sophie Daull (Philippe Rey), Les loups à leur porte, de Jérémy Fel (Rivages), Les échoués, de Pascal Manoukian (Don Quichotte), Kokoro, de Delphine Roux (Picquier), et La maladroite, d’Alexandre Seurat (Rouergue).

Nouvelles technologies
Alienare, de Chloé Delaume et Franck Dion. Roman d’anticipation conçu pour iPhone et iPad, composé d’une centaine de feuillets et 146 vidéos (Seuil). A voir.

Sélections estivales (ter)
On a failli oublier la sélection de nos confrères du Monde, en vue de leur prix. L’an dernier, prenant tous les risques, ils l’avaient donné à Emmanuel Carrère, un choix audacieux et inattendu. Cette année, dix titres sont en lice. Et ça commence aussi mal que du côté de la FNAC, avec Angot. Argh ! Heureusement, vient ensuite Laurent Binet et son délirant La Septième Fonction du langage, un roman à mourir de rire. On retrouve Sophie Divry, on trouve Agnès Desarthe, Diane Meur, Delphine de Vigan, Nicole Lapierre… Verdict en septembre.

Quatrième
Notre confrère David Caviglioli, de l’Obs, publie ces jours-ci une enquête captivante : qui écrit les quatrièmes de couverture des romans ? Ronflantes, trop longues, absurdement élogieuses, la plupart d’entre elles décrédibilisent complètement le livre qu’elles sont censées présenter, et font honte à l’écrivain. En même temps, difficile de s’en passer. Alors ? Allez voir  son excellent article.

Vous allez en entendre parler (bis)
Martin Amis. Marisha Pessl. Richard Ford. Martin Suter. Toni Morrison. Jim Harrison. David Grossman.

Parasitage
Pas de Merci pour ce moment 2 à l’horizon, même si on n’est pas à l’abri. (L’an dernier, beaucoup de libraires avaient protesté que l’intérêt universel pour ce livre détournait le public de la rentrée littéraire). A la place, Millenium 4, écrit par David Lagercrantz, risque de tout rafler. Oui, évidemment, au plan littéraire, il y a des chances pour que ce soit mieux.

À suivre…