On a dit : « L’histoire est d’actualité. » Voilà ce qui est devenu un argument critique. « Enfin un livre qui met en scène la déliquescence sociale de notre époques » Mille fois zut ! Mal traduit et mal écrit, ce livre est un pavé qui demande des efforts surhumains de lecture. Mais l’idée est bonne ! dit-on. Elle tient en quelques lignes : Burke Devore est un cadre supérieur en fin de carrière. Quelques années avant la retraite, il est licencié. Comme pour beaucoup, son poste correspondait à des structures de production archaïques qui ont été complètement automatisées au profit de la sacro-sainte rentabilité. Trop spécifique, le poste de Burke n’est pas recyclable et lui-même est trop vieux pour prétendre se lancer dans une nouvelle carrière. La rentabilité s’est substituée à la morale. Aujourd’hui, ce qui est moral, c’est que la fin justifie les moyens. Et c’est en se pliant à cette loi, fondement tacite de notre société, que Burke décide d’éliminer tous ses concurrents potentiels pour le seul poste correspondant à sa qualification. Que la place soit prise par un autre n’est qu’un obstacle mineur, il lui suffira de descendre celui qui possède son travail. Ainsi, après une série de meurtres bien noirs, retrouve-t-il et son boulot et la paix dans son ménage.
Le Couperet a été acclamé par la presse étrangère. Ces acclamations ne passeront pas nos frontières. On a parlé de « livre-procès contre la société », « d’engagement contre le chômage. » Certes, mais qui a lu ce livre ? Au-delà de cet engagement de principe, au-delà du procès de bonnes intentions, où est la littérature ? Je n’en ai trouvé que de la mauvaise dans le dernier roman de Donald Westlake. Son héros, devenu serial-killer tue vraiment en série ! Ses crimes se répètent sans provoquer la moindre surprise. Pour ce qui est de l’engagement, les analyses corrosives de Burke appartiennent au répertoire populiste. Le thème de l’homme-machine dans une société qui a perdu le ciboulot plaît aux ménagères. D. Westlake ne l’ignore pas.
Cet écrivain prolixe, hautement prolifique, prend parti contre notre société corrompue par son principe de rentabilité et en fait son argument commercial. Il utilise pourtant l’arme qu’il dénonce, en faisant d’une idée un livre. Le Couperet ne tranche que lui-même, c’est la rentabilité maximum faite livre.