Les poètes jouissent toujours d’un certain prestige dû à leur nom, même si les contemporains semblent peu soucieux de les fréquenter. A ce rang, Dominique Joubert accède sans difficulté. Sa poésie -ici il s’agit plus sûrement d’un ouvrage de prose poétique comme on en fabriquait au début du siècle- est celle d’une errance prolongée.

Berlin, amorçant sa renaissance dans une mesure toute teutonne, est la ville visitée. L’itinéraire de ce promeneur impénitent et solitaire (il est accompagné d’un chien cependant) prend alors des accents inédits. Dans un monde où tout va vite, il nous livre un éloge de la lenteur ; dans un monde où tout est oubli, il piste les souvenirs en se rattachant à des objets désuets, donc essentiels.

« De toute façon, les Berlinois réunis en simili-démocratie redeviendront des pantins d’Occident sans autres projets que de survivre, se chercher de nouveaux boucs émissaires, les immigrés probablement, et se la jouer aux croyances de bon ton cotées à la Bourse. Les urbanistes accouplés aux spéculateurs de l’immobilier se chargeant de leur construire un décor universel, une cité lisse comme la poudre de riz qui masque les pires eczémas. » On voit bien dans ces considérations que le rêve n’est pas la principale vertu du poète. Qui s’en plaindra ? On a trop souffert d’esprits imaginatifs qui n’ont fait qu’enflammer les têtes molles. D’autres préféreront parler de fatalisme. Je m’en tiendrai au mot lucidité. Comme le dit lui-même Joubert : « Voici venu le temps des balles perdues. »