C’est une heureuse surprise de voir publié pour la première fois en France, avec plus d’un siècle de retard, ce recueil de nouvelles, Under the sunset. L’auteur de Dracula y apparaît sous un jour nouveau puisqu’il s’agit d’un livre destiné aux enfants – et écrit plus particulièrement pour son fils. Cela ne signifie pas lecture facile. Bien au contraire, cette exigence de forme que requiert un livre pour enfant est une épreuve que l’auteur ne passe que formellement. Chaque page révèle son auteur, ses goûts pour le merveilleux mais aussi ses angoisses face à la mort, à la maladie, aux mensonges. On sait que Bram Stoker n’aurait jamais survécu sans les soins que lui apporta sa mère dix années durant. L’écriture de ses nouvelles est pétrie de contraires qui s’affrontent : un enfant-adulte, une maladie heureuse, le sexe et la mort, en bref, ce qui ne se justifie pas mais qui tente de l’être désespérément : une expérience heureuse du mal.
Car Au-delà du crépuscule commence un nouveau monde, celui du rêve et de l’inconscient. Les fantômes qui peuplent cet univers n’ont rien de vampires assoiffés de sang, ni de morts vivants. Ils sont abstractions, angoisses et phobies, et n’ont pas le droit au sexe, ni à une violence tangible. Et pourtant, les enfants, héros de ces nouvelles, sont au dernier cercle de l’enfer sans que rien ne soit jamais conscient. Le monde que nous décrit Bram Stoker n’a d’onirique que sa manière de s’imposer, c’est-à-dire de s’improviser. En écrivant comme un rêve arrive, il met en scène les propres garde-fous dont il a lui-même besoin pour se prévenir du mal.
L’heureuse collection de José Corti édite ici une œuvre originale qui intéressera sans doute plus ceux pour qui la personnalité de Bram Stoker est une énigme que les enfants. Car malgré une poésie souvent merveilleuse, les références trop fréquentes à une hygiène religieuse à la limite de la superstition, à un manichéisme systématique et naïf, viennent d’un autre âge et sont parfois déroutantes pour un enfant.