Outre, comme le titre du recueil l’indique, un rêveur philologue (en quête du premier original narrant la Quête du Graal), on croise dans ce recueil de nouvelles du suédois Björn Larsson une généticienne de haute extraction, un linguiste féru des théories de Chomsky (première version), une astronome confrontée à la finitude humaine, un spéléologue en proie aux affres de l’aventurier au fond d’un gigantesque gouffre inconnu, un virologue en attente de Nobel (ou à tout le moins, d’une confirmation de l’excellence de ses intuitions), une philosophe frappée par le miracle du religieux, un chimiste en proie au doute (et à la certitude), et un écrivain en quête de recette miracle.

Tout ici a trait à la recherche, à ce monde universitaire au sein duquel certains individus mus par la soif de savoir oublient le monde, s’oublient eux-mêmes, quitte à se perdre, pour que vive leur obsession, leur folie, cette passion monomaniaque qui les pousse toujours plus avant. On entre dès les premières lignes de chaque texte dans ce petit univers que Larsson, lui-même prof de littérature et de langue française à l’Université de Lund, en Suède (quand il n’est pas navigateur au long cours), connaît parfaitement. Les personnages de ces neuf nouvelles sont ainsi hors-monde, tant ne les captive que ce qui a trait à leur domaine d’expertise. Avec un humour grinçant, décapant, et d’une parfaite justesse, Larsson croque des repas où cohabitent des prof de lettres ou des chercheurs en science, tous obsédés par leur travail, incapables de communiquer avec qui n’a pas la chance d’être de leur obédience.

Dans cette litanie de personnages menés chacun par une quête personnelle, le dernier, l’écrivain, est un étrange trublion. S’il mène une quête lui aussi, c’est en effet celle de la recette flaubertienne de la fabrication d’un chef-d’oeuvre… Une quête vouée à l’échec, donc, comme celles, en définitive, des protagonistes des autres récits, mais avec une élégance combien moindre, comme si Larsson avait voulu, en guise de touche finale, laisser émerger le spectre de la dérision. Mais ce que l’on retiendra surtout, c’est ce goût de l’auteur pour la culture, distillée à sa juste dose, dans des textes d’une finesse et d’une intelligence remarquables. Car Larsson, philologue (à moins qu’il ne s’agisse ici aussi du navigateur- aventurier ?), aime ciseler la langue, au service de thèmes qui entremêlent universel et singulier.