Malgré les apparences, ce n’est pas tant le propos de ce livre qui est démesuré ou excessif, mais l’objet qu’il dénonce : « une entreprise totalitaire visant à détruire la vie dans toute sa variété pour réduire les rescapés à la servitude. » Le procès n’est pas récent. Armand Farrachi le veut incendiaire, et il propage loin et fort l’attaque dans l’espoir (vain ?) de faire jaillir quelques éclairs dans les consciences blasées et revenues de tout. Et pour cause. Qui dit Humanité veut tromper, car Humanité signifie désormais Bestialité. L’ère des masses est celle du bétail. L’exploitation et la surexploitation industrielle se déclinent dans toutes les versions. Surexploitation industrielle de la nature où le déchet se fait Roi, et la merde source de valeur ; la nourriture qui intègre le déchet industriel ; la gestion industrielle du travail et de son pendant complémentaire pour en maîtriser les coûts : le chômage ; tourisme et loisir industriel ; extermination industrielle des camps de la mort ; délocalisation industrielle… et vogue l’immense galère industrielle à la dérive de ce siècle qui a tout calculé, construit et vécu à la dimension de l’Industriel !

« Le monde libre ne conçoit pas de plus grande générosité que la réserve, le ghetto, la prison ou le camp pour les uns, le zoo pour les autres. Séparer les victimes de leur milieu, le détruire au besoin, pour mieux les parquer et les surveiller, telle est la règle d’or d’une civilisation qui ne s’est nulle part établie sans avoir au préalable anéanti au moins 80 % de ce qui était libre, abondant et gratuit, et sali ce qui était propre. » Ce qui compte est l’épaisseur et la noirceur des torrents de fumée, et la pensée qui va avec. Retirez-vous d’un pas de la pestilence, et vous entendrez sourdre la rumeur : « Fumiste !… ». Hors de la frénésie, point de salut, mais l’ennui ! Alors, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ? Abruti par nécessité et serf par conviction profonde, tant que l’esclavage est consenti, il n’y a rien à y redire.

Le livre de Farrachi présente une critique à géométrie variable, qui permet de taper dans toutes les directions. Il s’adresse de plein fouet aux chasseurs, aux producteurs et aux consommateurs, l’ensemble ne formant qu’une pâte bien liée, avec l’inévitable cerise sur le gâteau : les idéologues. Nul besoin de les nommer, peu nombreux, ce sont toujours les mêmes ; ils se proclament « philosophes », ou se posent en spécialistes d’une quelconque pseudo-science sociale, émargent à l’université ou dans les grandes écoles, travaillent pour les gouvernements en place -quand ce n’est pas le cas, le même but est visé de manière perverse-, gagnent leur croûte et flattent leurs plates et creuses personnalités grâce aux voies d’accès médiatiques qui leur sont toutes ouvertes. Ces inénarrables dialectisent comme d’autres amateurs se contentent de jouer au tennis le dimanche, et foudroient le camp écologiste des épithètes flambeurs de nazis, catastrophistes, apocalyptiques, millénaristes, intégristes, idolâtres, etc. C’est malin et ça fait peur. Ça résume au moins la profondeur et la finesse de ces penseurs-livres-en-piles-à-la-FNAC.

Le discours dominant qui ne se veut, en principe, d’autre vertu qu’hygiénique et prophylactique présente ainsi les écologistes comme les prêtres ou les terroristes d’un nouveau culte qui s’oppose au progrès, à la démocratie et à l’humanisme. Farrachi rappelle et le prouve : « L’écologie (mot qui désigne une science, une philosophie, une politique, une sensibilité, une attitude ou une mode), au sens large, est un courant de pensée qui a dépassé les clivages traditionnels pour rêver à l’avènement d’un nouvel équilibre universel, bâti sur d’autres rapports avec la nature, avec les hommes, le travail et le Tiers-Monde, non sur la mondialisation de l’unique, mais sur l’internationalisation du multiple, du divers et du varié, c’est-à-dire de la vie. »

Tâche infinie que de convaincre et de nous convaincre que l’humanité vaut mieux que le bétail qui n’est après tout qu’une de ses inventions… On ne recommandera jamais assez la lecture de cet ouvrage excellent, auquel on va et on revient pour le simple plaisir de trouver ici toutes les bonnes raisons de s’énerver.