Pandore au Congo est le deuxième volet de la « trilogie des éléments » d’Albert Sanchez Pinol : après l’eau, la terre, en attendant un opus qui devrait raconter les airs. Roman hybride, Pandore joue de variations sur les mêmes thèmes que La Peau froide, à ceci près qu’il n’est pas ici question d’île, de créatures sous-marines visqueuses venant chaque nuit attaquer le même phare, mais de forêts impénétrables et de créatures sous-terraines. Au plus lointain d’un Congo inconnu, des formes longues et blanches jaillissent des entrailles de la terre pour éradiquer l’espèce humaine, incarnée ici par deux nobles anglais décadents, un serviteur naïf et une troupe d’esclaves. Au centre du roman, la peur, une peur primale de l’autre, de l’inconnu, de l’étranger, qui monte sans que rien ne paraisse pouvoir l’arrêter. Levier de cette étude sur des terreurs primaires, le fantastique. Pinol l’utilisait très adroitement dans son premier roman, beaucoup moins bien ici. Il faut dire qu’avec sa multitude de clichés, le livre sombre très vite dans l’artifice.

Les bases sont pourtant très semblables à celle de La Peau froide : un lieu désert, nouveau, inconnu, vierge de toute présence humaine, l’inconnu, des monstres étonnamment similaires, des créatures féminines envoûtantes. Tout ceci au service d’une même étude sur la nature humaine et les rapports à l’autre, à l’étranger, à celui qui n’est pas pareil. Mais ici, en multipliant les clichés de genre (une volonté avouée dès les premières pages, mais qui malgré ça ne prend pas), Pinol perd le fil. On ne parvient pas à s’intéresser à ses nobles anglais décadents et haïssables, à leur pauvre serviteur grandi seul dans l’ignorance et une simplicité naïve, on sent que tout n’est que façade. On peine à savoir où nous emmène l’auteur ; la fin est évidente mais étrangement faussée ; le foisonnement de lieux, de jeux, de chambres d’échos, de références et de métaphores devient vite pesant.

Bien sûr, on peut lire là-dedans une réflexion sur l’homme, sur la démarche créative, sur les limites de la fiction et du réel, la force des croyances. Mais quand, au plus profond de la mine de la plus profonde des forêts les plus lointaines du Congo apparaissent les Tectons, on a l’impression d’être chez Allan Quatermain… Comme dans La Peau froide, il y a une aspiration à la parabole qui pourrait donner au texte une dimension autre, mais à force de multiplier les pastiches de genres (roman d’aventure, de gare, feuilleton, anglais XIXe), le texte étouffe et se perd entre sérieux et divertissement. On est alors loin, très loin de Lovecraft ou de Conrad, et on finit par se demander quel est l’intérêt du roman.