Ça commence par une belle histoire. Un jeune scénariste parvient à amener son scénario sur le bureau de Patrice Ledoux, l’homme-clé de la Gaumont, pour le meilleur (le jackpot Besson de Subway à Nikita) et pour le pire (Le Raid, la quasi-faillite de la maison avec Les Visiteurs en Amérique). La firme à la marguerite signe un contrat, et embauche Guy Jacques, réalisateur de comédies dramatiques aimables (Je m’appelle Victor, Violetta la reine de la moto) pour développer le projet et le diriger. Problème : après la poignée de gros bides produits par Ledoux, sa société à besoin d’un succès, donc d’une comédie ultra calibrée sans risques. Le producteur et le réalisateur n’ont pas le même film en tête. Jacques claque la porte. Grâce à une aide du maire de Bobigny, il récupère une aide qui lui permet de tourner un échantillon du film pour mieux le vendre ailleurs. Avec ces quelques scènes tournées sous le bras, il démarche d’autres financiers. Trois ans plus tard, Ze kubricks trouve hébergement chez Europa, la société de production créée par… Luc Besson. Un changement de titre, dû aux ayants-droits de Stanley K. Et voilà Ze film.

Pourquoi raconter cette histoire de cuisine du cinéma ? Parce que c’est précisément de quoi parle Ze film via l’envie désespérée de trois loulous de banlieue de réaliser un long métrage. Le hasard mettant sur leur chemin le camion chargé à ras bors de matériel d’une équipe qui tourne dans les environs. Une base un peu facile pour toucher au vrai projet de cette comédie bon enfant : raconter la banlieue d’aujourd’hui. Ze film c’est La Nuit américaine façon « z’y-va ». Où le regard ne serait pas celui que posent trois pieds nickelés dans l’objectif d’une caméra 35 mm barbotée pour filmer leur version de Roméo et Juliette, mais celui de Guy Jacques sur la vie dans les barres HLM, entre championnat de vannes entre potes, galères du quotidien palliées par un recours obligatoire au système D et intégration des beurs de seconde génération. Une vision nourrie de bonne volonté mais souvent embuée par le visible grand coeur du réalisateur. Ze film a souvent le mal à faire le point quand il a un oeil juste sur le blues de la téci et l’autre sur un cinoche de comédie trop gentillet. Tout reste très prévisible, très lisse, des parents compréhensifs au gros con de voisin qui vote FN… A l’exception d’un personnage attachant de branleur (qui permet à Dan Herzberg de supplanter tout le reste de la distribution, notamment un Clément Sibony toujours aussi constant dans la médiocrité) ou d’une petite poignées de scènes -dont une jolie échappée dans l’arrière-salle d’un rade où apparaît, trop furtivement, Catherine Wilkening dans la peau d’une femme désabusée-, Guy Jacques porte sur ce petit monde un regard trop bienveillant, trop arrondi. Même si tout ça reste sympathique, on peut de très loin préférer le regard d’un Jean-Claude Brisseau sur cet univers, même si celui de Jacques est anobli par une évidente humanité qui lui permet de justesse de ne pas rejoindre Jacques Fansten ou Jean-Loup Hubert au registre des cinéastes aussi mollassons que complaisants.

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