Wonderful town est de ces films du Sud-Est asiatique qui, non contents de rafler des prix un peu partout (ce film-là fut sacré champion à Pusan, Rotterdam et au Forum de Berlin, entre autres), sont parvenus à déplacer le pôle d’attraction du cinéma asiatique des satellites chinois (Hong Kong, Taïwan) vers la région des tropicales maladies. Ce cinéma se glisse dans le sillage d’Apichatpong Weerasethakul – ça paraît facile à dire, puisque le Thaïlandais est le plus célèbre ambassadeur de la région, mais il a indéniablement posé l’espèce de double ligne où s’agrègent des films venus de Thaïlande, de Malaisie ou des Philippines : d’une part cette douceur toute chlorophyllienne venue des jungles, d’autre part un jeu permanent sur la fiction et son dehors.

Wonderful town est narratif et doux, poinçonné par les deux cents mille fantômes du tsunami, par le fantôme du tsunami lui-même qui, c’est la beauté de ce petit film discret, apparaît comme une ruine parmi d’autres, presque indiscernable. Un jeune architecte arrive de Bangkok et s’installe sur la côte pour une mission. Il s’éprend de la tenancière de l’hôtel bas de gamme où il réside, une jeune femme timide dont le frère est un mauvais garçon. On sait quel écueil menace tout ce cinéma : la tentation du joli et du langoureux comme programme unique, ainsi que l’illustre la filmographie d’un autre Thaïlandais, Pen-ek Ratanaruang. Mais quelque chose ici empêche l’engourdissement, tout en jouant de sa lenteur jusqu’à l’étrangeté, ainsi qu’y invite une série de plans muets et sourds qui vient suspendre le récit, dans une veine weerasethakulienne (a-t-on précisé que, entre Wonderful town et les films d’Apichatpong, on retrouve certains noms, tel l’ingénieur du son Akritchalerm Kalayanamitr, qui est aussi le compositeur de Syndromes and a century ?). Tout au long du film en effet, qui ne semble d’abord qu’une love story en porcelaine, monte le souvenir du désastre telle une marée invisible, une invasion non plus aquatique mais d’air et de vapeur. Le cheminement fantastique et piano qui mène de l’amour à la mer garde suffisamment de nonchalance désespérée pour résister à l’inertie qui, elle, menace toujours le scénario.