Wesh wesh, qu’est-ce qui passe ?, un film et un titre qui tombent à pic pour faire le point sur le chaos. En l’occurrence, celui qui touche les banlieues et, au-delà, l’ensemble de la nation, avec les aberrations sociales et politiques que l’on sait. Alors, qu’est-ce qui se passe dans Wesh wesh ? Kamel (Rabah Ameur-Zaïmeche), la trentaine, vient de regagner clandestinement la France après avoir purgé une double peine (un séjour en prison suivi d’une expulsion) pour une raison que l’on ne connaîtra jamais. Privé de papiers et de droits, il galère pour trouver un boulot tout en constatant l’inexorable dépérissement de sa cité de Seine-Saint-Denis. Entre les trafics de drogue qui tournent mal et l’oppressante omniprésence des flics, la violence semble contaminer toutes les strates du scénario, vers une issue fatalement noire.

Filmé en DV dans des conditions quasi-pirates, Wesh wesh n’est pas qu’un témoignage édifiant sur une cité en ébullition. Tournant allègrement le dos au film à thèse, Ameur-Zaïmeche consacre son énergie de cinéma à la recréation d’un monde. Rarement un film français aura en effet semblé si juste dans son approche humaine, sa direction d’acteurs (amateurs pour la plupart), bref, sa captation de la vie. C’est à partir de cet ensemble naturaliste que l’auteur réussit à ancrer son récit, l’arborescence de sa fiction made in 93, la multiplicité de ses points de vue (on suit aussi bien le parcours de Kamel que celui de son frère, petite frappe un peu paumée). Rien, ici, n’est évident ou entendu, il n’y a pas de héros ni d’identification forcenée (Kamel se comporte parfois comme un salaud), seulement une somme d’événements dont on tirera nous-mêmes les conclusions.

La réussite de Wesh wesh tient aussi beaucoup à son humour, ses quelques saillies hilarantes arrachées au marasme ambiant. La Cité des Bosquets, c’est avant tout une Cour des Miracles, un lieu dédié au burlesque où s’entrechoquent les rites et les traditions, les modes de vie et de pensée. Peuplé de personnages tragi-comiques (le junkie à la masse, la mère perdue entre tradition et modernité) souvent aux antipodes, le film joue vaillamment la carte de la pluralité, brouillant les pistes et les données pour mieux se construire. En refusant ainsi les sentiers balisés, Ameur-Zaïmeche a trouvé sa voie, celle du patchwork énervé et mal élevé, foutraque et stimulant.