De Volem rien à foutre el païs dernière livraison minuscule du trublion Pierre Carles, que dire ? Faut-il seulement en dire quelque chose, le film apparemment n’en demande pas tant, petite chose fort sympathique, mirliton inoffensif de l’ultra-gauche en pull camionneur qui ambiancera en VHS quelques AG de SUD PTT, mais se regarde, pour les autres, comme on feuillette Charlie Hebdo : avec une affection distraite. Documentaire (grand mot) en kit, dont le cinéma est bien le dernier des soucis, mais pas grave, on n’en demandait pas tant. Pour autant, on peut regretter le Pierre Carles première période, l’enfant de la tévé parricide, celui de Pas vu pas pris (son gros hit, sur les baisouilles entre le personnel politique et celui de la petite lucarne) ou de sa quasi-suite Enfin pris ? (portrait à charge contre son ancien patron Schneidermann). Le procédé n’était pas loin d’être abject sur le principe, mais justement, on avait le droit de goûter à son sens potache de l’irrévérence, à sa manière punk de faire le roquet entre les quilles du système. Même La Sociologie est un sport de combat, offrande déposée sur l’autel du plus-grand-sociologue-de-France, avait ses moments, et savait racheter la pédagogie un peu barbifiante par un goût manifeste pour le montage, un plaisir communicatif de la collision (qui ailleurs a fait le succès mondialisé d’un Michael Moore, cousin d’Amérique).

Le problème, c’est que, de cette position idéale d’altermedia farceur et revanchard, Carles dérive vers celle, moins stimulante, de porte-voix cossard d’une gentille utopie patchouli et punks à ienchs. Volem rien à foutre el païs chante, dans le prolongement son prédécesseur Attention danger travail, les vertus du non-travail comme antidote au rouleau compresseur néolibéral. Bella ciao-ciao-ciao, un autre monde est possible, c’est le mot d’ordre, fait de fromages 100% tirés du cul de la chèvre, de chiottes en sec et de murs en paille (mais on va quand même passer au Carrefour s’acheter un cubi, faut pas charrier). Le film s’ouvre sur une archive de Pompidou, battant le rappel de la méthode Carles, sa façon de saisir l’INA comme grand réservoir des aberrations de l’époque (plus loin, ce sera le tour de Rocard ou Kessler), et de faire parler les images en mode Koulechov. Puis vient le tour des figures qui constituent son vrai sujet, barcelonais agit-propagandistes puis rmistes dreadlockés vivant en communauté autogérée, et Carles paraît s’oublier un peu, comme contaminé par la joyeuse flemmardise de ses personnages, se contentant de laisser tourner, enregistrant mollement le quotidien de ses champions de la décroissance. C’est sûr, tout ce petit monde est sympa, on partagerait volontiers un canon à l’occasion. Il y avait même quelques beaux personnages à portraiturer un peu mieux si seulement Carles avait bien voulu bosser un peu. Mais non : rien à foutre, on te dit. Oh, Pierrot, fini de déconner, là : au boulot.