« D’après l’ouvrage de Monsieur Hervé Bazin », prévient le générique avec une espèce de déférence de grand tonton. Dans ce « Monsieur », il y a tout le film. Et la musique pimpante qui va avec. On peut s’étonner, d’abord, de cette nouvelle adaptation plus de trente ans après un téléfilm fameux avec Alice Sapritch en Folcoche, qui, lors de ses multiples diffusions, allait terroriser des générations de chenapans. Vipère au poing arrive à nous sans urgence, inactuel, comme l’est aujourd’hui le cinéma de Philippe de Broca, à la recherche d’une légèreté désormais loin derrière lui, jamais renouvelée depuis le splendide L’Homme de Rio (1963, quand même). Folcoche, pour qui ne regardait pas FR3 dans les années 80 : mère tyrannique et cruelle qui martyrisa le jeune Bazin tout en formant, à coups de martinet, son tempérament d’écrivain.

Vieillot, timoré, le film de de Broca passe son temps à fouiner pour trouver ici indice de gentillesse, là preuve de l’amabilité cachée des sorcières. Le fantôme d’Alice Sapritch est prié de ne pas hanter les traits plus doux de Catherine Frot, la Folcoche d’aujourd’hui. Il n’est question, ici, que d’évacuer toute tentation -du fantastique, de la terreur pure, de la haine sans retour- et de croire, avec son coeur, à la possibilité de sauver la famille. C’est clair : le film joue contre le livre, qui ne carbure qu’à la méchanceté, la rancoeur et la haine. Là, il faut à tout prix contrer cela, injecter un peu d’amour. Du roman, le film n’aime que son aspect Guerre des boutons : blagues de gosses, affrontements épiques avec la reine mère, confrérie secrète des enfants martyrs, avec contrat signé au sang. Figure de la malice enfantine contre la cruauté des adultes, à laquelle le petit Jules Sitruk prête son jeu de fort en thème. Rien à voir avec l’objet de Monsieur Hervé Bazin, occupé, lui, à se demander tout au long de son roman que faire de la haine furieuse qu’il a nourri, sans ambiguïté, contre sa génitrice.

Loin de ces rivages, Vipère au poing s’affaire surtout à capitaliser son look Villeret / certif’, son ambiance chasse aux papillons qui sert d’écrin à une énième célébration d’un imaginaire d’entre-deux guerres ranci mais très en vogue ces temps-ci. Tout n’est pas si noir : hommage à Bonne-maman, loupiot malicieux, nostalgie des madeleines, bonnes joues de Villeret, chansons paillardes, belles voitures d’autrefois, sérénité du monstre Folcoche, endormi paisiblement, qu’il ne faut pas réveiller.