Omniprésente dans les précédents films d’Alejandro Agresti (notamment Buenos Aires vice versa), la télévision est cette fois à l’origine du voyage initiatique d’un jeune adolescent argentin. Daniel (Tomàs Fonzi) est l’heureux gagnant d’un concours organisé par une chaîne câblée dont le prix n’est autre qu’une nuit avec une star du porno ; la fameuse Sabrina Love du titre (Cecilia Roth, l’interprète du tout premier Almodovar, Pepi, Luci, bom et autres filles du quartier et surtout du magnifique Tout sur ma mère). Pour recevoir sa récompense, il quitte donc son petit village de province et se rend à Buenos Aires, ville où habite son grand frère qu’il n’a pas vu depuis des années.
A partir d’un canevas archi-usé, l’opposition campagne/ville et son classique corollaire, l’entrée d’un adolescent dans le monde des adultes, Alejandro Agresti réalise un film doux-amer sur l’Argentine d’aujourd’hui. Car même si au cœur du film se trouve le thème de l’initiation, ces quelques jours dans la ville ne provoquent pas de profonds bouleversements dans la vie du jeune homme. Une fois son apprentissage effectué, en particulier du point de vue sexuel, Daniel rentrera tranquillement chez lui. Une simple parenthèse dans une existence déjà plus ou moins tracée. Et toutes les personnes qu’il aura rencontrées sont, d’une manière ou d’une autre, des exclus de la société argentine ; Sabrina, l’égérie involontaire d’une télé trash, un poète des rues ou encore un frère gigolo qui n’a jamais su parler de son homosexualité à ses parents. Placé sous le signe des tabous, des non-dits, ce séjour reflète la triste réalité d’un pays qui n’a jamais su parler librement de l’épisode sanglant de la dictature. Dans son film précédent, Buenos Aires vice versa (sorti en France l’année dernière mais datant en réalité de 1994), le cinéaste avait déjà abordé ce sujet -mais à travers un trop-plein d’images excessivement transparentes ou explicites. Cette fois, son allégorie, sous forme de parcours initiatique désenchanté, se révèle bien plus juste et touchante.