Un nouveau Sang-soo, Im après Hong, celui-là moins connu que celui-ci, bien qu’Une Femme coréenne soit son troisième long-métrage. Ces jours, on dit du bien de son prochain film, qui traite de la vie et de l’assassinat du dictateur Park Chung-hee. En attendant d’en savoir plus (à Cannes 2005, peut-être), il faut dire du bien de cette femme coréenne, avant de parler du film qu’une traduction française sans nuance a rendu strictement éponyme (titre v.o. : A Good lawyer’s wife). Cette femme -remarquable Moon So-ri, créature entre deux âges qu’on aimerait voir aussi sous l’oeil de l’autre Sang-soo- est une ancienne danseuse, mère adoptive d’un petit garçon, mariée à un avocat qui la trompe. Danseuse, elle offre au film ses plus belles scènes. Lorsque, encore nue après l’amour, un verre à la main, elle se laisse glisser sur un épais canapé en cuir, se tortille trois ou quatre fois pour en descendre et finir allongée à même la moquette. Ou, plus loin, quand ses jambes nues descendent, reptation raide, le long du torse de son mari, qu’elle serre entre ses cuisses.

Il y a chez Im Sang-soo une visible appétence pour cette liberté et cette inspiration des mouvements, telles que les suggère la danse, mais aussi cette manière si coréenne d’aborder le sexe, en parole et en acte, de façon parfaitement décomplexée. Que l’on songe à quel psychodrame se heurte le cinéma français, par exemple, sur cette affaire-là. D’où vient cette vitalité des matins calmes ? Sans doute elle tient à ce que ces scènes ne sont jamais débarrassées d’un point de dérèglement, frôlent souvent le burlesque (revoir Fantasmes, par exemple, sur ces amants qui se frappaient pendant leurs ébats, d’abord à la baguette pour finir à coups de battes de base-ball).

Après l’amour, sans orgasme, elle dit à son mari qu’elle a l’impression d’avoir perdu son point G, et lui répond que son corps a peut-être changé. « Est-ce qu’on peut changer de corps, comme on change d’avis ? » En tout cas, le film suit la course de cette femme vers une santé retrouvée du corps, tandis qu’autour d’elle la mort rode : son beau-père agonise dans un mélange de résistance têtue à la maladie et de violente dégradation physique ; bientôt une autre mort terrible va la toucher. Santé qui s’éprouve, plus qu’elle ne s’accomplit, dans la relation balbutiante qu’elle entreprend avec son voisin, adolescent. Par-delà l’exercice attendu du portrait de femme, le film de Im Sang-soo touche quelque chose d’une vibration qui, traversant telle une onde la peau de chaque personnage, se réfléchit en une vaste image d’une société de corps en porte-à-faux, tiraillés entre l’insatisfaction et la plénitude des sensations. Cherchant tous entre quels bras, sous quelle forme, renaître infiniment à soi-même.