François Manéri (Thierry Lhermitte) est détective privé. Solitaire depuis son divorce, buveur de bière, il comble tant bien que mal sa vie privée entre une ex-femme remariée, une maîtresse au mari jaloux et un collègue balourd qui lui sert d’ami. Il se voit confié une enquête qu’il estime perdue d’avance et qui ne le passionne guère : partir sur les traces de Rachel, une jeune femme disparue depuis six mois, affaire classée sans suite par la police, mais que sa mère (Aurore Clément) veut poursuivre.

Le scénario d’Une Affaire privée se bâtit habilement sur les silences et les absences, reprenant le personnage très usé du privé désenchanté pour le confronter une nouvelle fois aux bizarreries humaines. Manéri traîne d’abord les pieds, mais peu à peu, est intrigué par les relations troubles de Rachel, les silences qui entourent sa disparition : son beau-père, son petit copain louche, son voisin à l’oreille bien tendue, semblent tous lui cacher quelque chose et surtout Clarisse, la meilleure amie de Rachel, qui le séduit. Les éléments d’un bon suspense sont réunis, alors pourquoi reste-t-on si extérieur au film, incapable de suivre le déroulement des événements et des émotions ? Le sujet, mal ancré dans la réalité, semble ne pas y puiser de véritables enjeux. Et parmi la pléiade de comédiens, peu sont exploités à leur juste valeur. Puzzle policier, Une Affaire privée est surtout une déambulation incertaine, qui ne parvient jamais à se structurer autour d’un axe principal. Guillaume Nicloux nous fait tourner autour du pot, dans une ambiance morne et poisseuse, au bout du compte très artificielle. La mise en scène de Nicloux manque de repères, tâtonne dans un univers fictionnel mal constitué, fait de briques et de broc : le glissement du film vers un monde nocturne (une boîte à partouze, Frédéric Diefenthal en travelo) ajoute une impression de fausse provoc’, masquant mal une exploration très sage des codes du film noir. Et les choses ne s’arrangent pas avec l’entrée en scène de Marion Cotillard, agaçante car trop à l’aise dans son numéro de midinette manipulatrice. Finalement, seul Lhermitte tire son épingle du jeu et campe un privé crédible, contemporain, dont le blues serait presque contagieux. Le reste du film s’englue dans ses lenteurs et ses approximations.