Carine Adler est-elle inconsciente, ou seulement très naïve ? Peut-elle raisonnablement penser que traiter des sujets forts suffit à la réussite d’un film ? Au coeur d’un Liverpool des plus glauques, une mère cancéreuse à l’agonie (Rita Tushingham) et ses deux filles : Rose (Claire Rushbrook), enceinte jusqu’aux dents, et Iris (Samantha Morton), jalouse des rapports qu’entretiennent les deux premières, jusqu’à se considérer comme mal-aimée. Au bout de vingt minutes, la mère s’envole pour le Paradis et sa cadette pour le septième ciel. La crémation de la maman a en effet d’étranges conséquences sur le comportement d’Iris : revêtant la perruque-chimio et les lunettes noires de la défunte, la jeune fille plutôt sage devient une nymphomane de première classe (et vas-y que je me masturbe frénétiquement sur le lit et que je me tape tout ce qui passe en dansant comme une pétasse sur la piste d’une boîte sinistre…). Et la réalisatrice d’intervenir finement en insérant les images spectrales de la mère entre deux séquences « hot ».

Malgré les apparences, Under the skin est loin de la comédie grinçante ou du porno soft du dimanche soir, et lorgne plutôt vers le drame onirico-psychanalytique. Partant du lien fertile entre la mort et le sexe, Carine Adler n’en tire que des situations attendues (le rejet d’Iris par son entourage, effrayé par sa boulimie érotique ; le contre-exemple de Rose, intégrée socialement et amoureusement) dont elle semble espérer qu’elles créent, à elles seules, une ambiguïté, un mystère, voire de la beauté. Mais rien n’y fait : la photo est dégueulasse (type téléfilm austère de la BBC), les mauvais ralentis se propagent comme une gangrène esthétique, et les tentatives de créer des icônes échouent pitoyablement (avec sa moumoute labellisée Crozemarie, Iris n’est qu’un ersatz ridicule de la sublime tueuse à gages incarnée par Brigitte Lin dans Chungking express). Au final, il n’y a sous la peau du film qu’une vaste pathologie artistique, une velléité aberrante : Carine Adler s’est prise pour une cinéaste.