Quand les Anglo-saxons recyclent leurs comédies dans le folklore indien, cela donne au mieux l’énergique Joue-la comme Beckham, au pire ce Soupçon de rose tristement fade. C’était pourtant rendre justice aux communautés hindoue et pakistanaise, trop longtemps boudées par le cinéma de leurs pays d’adoption, que de leur offrir enfin le rôle principal. Le décalage évident de ces communautés avec la civilisation occidentale fournit un éventail de personnages et de situations fascinantes à souhait : défilé de saris, déluge de couleurs, musicalité entraînante… Mais en contant cette histoire d’un jeune Pakistanais incapable d’avouer son homosexualité à une mère profondément croyante, déterminée à le marier à une jeune fille dans le respect des traditions, le réalisateur cherche trop à stigmatiser l’hypocrisie de la religion musulmane et tombe dans l’excès inverse. Son discours est réduit à néant par l’accumulation de clichés et de préjugés, dont le personnage de la mère est le symbole évident : il faut la voir dénoncer, en parfait porte-parole des intégristes, le cinéma comme une vulgaire entreprise de débauche et de corruption !

Parallèlement, le film est révélateur de la difficulté qu’éprouve le cinéma américain à faire sortir ses comédies d’une nostalgie lancinante pour l’âge d’or des années 30-40, souvent imité mais jamais égalé. L’avertissement n’a pas effrayé Ibn Iqbal Rashid, qui invoque ses maîtres avec une passion lassante, par des extraits de films (Indiscrétions, Charade, Soupçons, Elle et lui, etc.), certaines répliques des personnages (la mère avouant à son fils qu’elle a quitté son pays natal par admiration pour Doris Day), et jusqu’au titre même du film, rappelant That touch of mink (« un soupçon de vison »), comédie mineure des années 60.

Cerise sur le gâteau, le cinéaste s’enorgueillit d’un invité de prestige. Car celui qui fait le lien entre les films cités fut une des plus grandes stars d’Hollywood : « Bonjour, je suis Cary Grant », déclare dès l’ouverture un des personnages, en fait l’ami imaginaire du héros. Idée intéressante compte tenu du sujet : le comédien était connu pour dissimuler par des mariages aussi nombreux que tapageurs une homosexualité mal vue dans les milieux hollywoodiens. Le symbole était suffisamment clair. Hélas, l’acteur censé incarner la star adopte un jeu plus proche de l’imitation ironique qu’en faisait Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud que de l’interprétation raffinée du véritable Cary Grant, réduit ici à un aristocrate hautain et ridicule. Au final, hypnotisé par sa déférence envers ses idoles et son envie de la clamer au monde entier, Ibn Iqbal Rashid livre une comédie balourde et tristounette, indigne de ses modèles.