Joseph, pilier de bar au visage creusé par la vie, jure sur tout ce qui bouge et défonce tout sur son passage : pilier de bar d’à côté, vitrine d’une banque tenue par des pakistanais, adolescents, animaux de compagnie. Il est comme ça, Joseph : une vraie boule de haine. D’ailleurs, c’est bien simple, quand le film commence, il tue son chien. Puis Joseph rencontre Hannah. Quand quelqu’un a besoin d’aide, Hannah le sent (elle porte une croix autour du cou), alors Hannah prépare le thé et prie pour Joseph, alors qu’elle devrait prier pour elle, parce que si Joseph défonce, Hannah encaisse : son mari lui pisse dessus quand il rentre bourré – c’est un peu tendu entre eux depuis qu’ils ont appris qu’ils ne pourraient pas avoir d’enfant. Un jour où elle se fait violer et ruer de coups, Hannah se réfugie chez Joseph. Joseph prépare le thé et se livre un peu à Hannah : il a eu une femme, qui était diabétique mais adorait manger, alors il l’appelait Tyrannosaur parce que, quand elle descendait l’escalier, les objets tremblaient un peu, comme dans Jurassic park. Mais voilà, la femme est morte et depuis, Joseph défonce tout. Hannah le comprend bien.

Tyrannosaur (multi-récompensé en Angleterre) raconte, donc, une poignante histoire de rédemption dans une banlieue de Glasgow. Un film coup de poing, mais littéralement, puisqu’on y distribue les coups avec le timing d’une battle de Mortal kombat. Un film qui, ressemblant à la cuite prolongée d’un hooligan, finit surtout par rater complètement le coche du mélo viril qu’il ambitionne. Chez Mike Leigh au moins, la tasse de thé a la vertu de creuser des aérations, des pauses dans le ciment froid d’un réalisme dont Tyrannausor, lui, ne retient que le folklore social-trash : vraies gueules d’acteur option postillons, chiens méchants, tasses de thé fleuries, lumière prolo-tristoune, petites maisons de briques rouge chichement meublées, bars remplis de zinzins un peu fachos mais presque sympas et, en guise d’événement mondain, un enterrement pour situer le niveau d’espérance de vie. Quant aux personnages, Considine se garde bien sûr de les juger, ni bourreaux ni victimes, mais bourrins aux grands cœurs et au registre légèrement limité (larmes, coups, cris, larmes). Considine reprend d’ailleurs Eddie Marsan, un des acteurs fétiches de Leigh, précisément là où celui-ci l’avait laissé dans Be happy : prof d’auto-école nazillon avec qui Poppy, l’héroïne bubble-gum, avait vite fait de prendre ses distances. Notons quand même une forme plaisante d’étrangeté qui se révèle à l’insu du film : une étonnante similitude de traits et de comportements entre les bulldogs omniprésents et anthropomorphes, et nos héros. Voulant laisser en bouche un goût de sang et de thé (le goût de la vie, en somme), Tyrannosaur aura eu le mérite de dresser les fondations d’un nouveau genre : le réalisme canin.