De par son sujet, la fameuse crise des missiles cubains de 1962, Treize jours s’inscrit dans la grande tradition du thriller politique de rétro-fiction hollywoodien. Le style sec et carré de Roger Donaldson évoque, tant par sa maîtrise du grandiloquent que par sa façon d’instaurer une tension emphatique à partir de représentations grotesques de scènes à caractère historique, une sorte de raclure de tout ce que Stone, Lumet ou Frankenheimer, bien avant lui, ont pu apporter à ce genre majeur du divertissement « pédagogique » américain.

Le film s’organise très simplement et relate une à une toutes les étapes chronologiques de ce qui, treize jours durant, menaça de faire basculer le monde dans un conflit nucléaire. Peu aidé par le caractère anti-spectaculaire d’une affaire essentiellement fondée sur la tension psychologique, Donaldson enchaîne les séquences diplomatiques, au coeur des bureaux, en agrémentant le tout de quelques scènes en extérieurs à vocation exotique (survol des bases cubaines, vues sous-marines lors de la mise en place du blocus de l’île, tir d’un avion). Maîtrisé et efficace, le film choque pourtant par sa vision unilatérale du conflit, dénonçant une menace abstraite (les Russes sont littéralement invisibles) à la manière d’un vague ouvrage d’histoire déclinant complaisamment vignettes sans profondeur et vérités toutes faites.

Il est surtout troublant de voir, à l’heure où ce genre de film à message prend toute sa valeur (éviter à tout prix le conflit, s’en remettre à la grandeur pleine de justesse de Kennedy), comment un certain cinéma de masse hollywoodien exploite la fibre nationaliste des spectateurs en s’enfermant dans une vision qui exclue soigneusement le peuple de chaque plan : univers clos, aseptisé, dans lequel la mort d’un pilote se résume en une longue cérémonie pompière et mélodramatique. On a rarement si bien senti la vanité de ce genre d’éloge à la bonne conscience collective qui, à refuser tout effet de réalité, sa vautre dans un symbolisme grossier (le soleil qui se lève le jour de la libération, Costner et son côté bon père des familles) pour élimer peu à peu, jusqu’à point de rupture, toutes les grandes valeurs démocratiques américaines. Tant de soin pour la caricature, le raccourci infantilisant, l’humanisme creux et la leçon de choses McDo font de Treize jours un film obsolète et parfaitement nauséeux.