Certains films donnent le ton d’emblée et dès les premières images : on s’attend à voir dans le pire des cas un bon film. Les premières séquences de Train de vie en revanche annoncent une gentille histoire illustrée de bonnes blagues juives, dans des décors reconstitués à merveille. On a la désagréable impression de feuilleter le scénario du film en en découvrant les images, servies par une réalisation académique, apparemment vide de liberté et d’esprit dérangeant. L’humanisme bon marché qui ampoule une bonne partie du film fait craindre le pire et on en arrive à se demander si Michel Boujenah ne va pas apparaître en gros plan pour nous demander de nous aimer les uns les autres…
Alors, soit : la réalisation, la direction d’acteurs parfois approximative, l’incohérence des situations… et pourtant, le film parvient à toucher. Les premiers mots et la dernière image font de Train de vie un film qui saura émouvoir celui qui ne va pas dans une salle de cinéma des cailloux plein les poches, prêt à les jeter si le film ne répond pas positivement à des critères énoncés dogmatiquement. « Il était une fois… » ouvre le film et la fin vient nous rappeler que cette histoire gaie, humaine n’a rien à voir avec la réalité. Comment représenter l’innommable, l’indescriptible, le « ça » ? Après les approches différentes proposées par Resnais (Nuit et Brouillard), Spielberg (La Liste de Schindler), Lanzmann (Shoah)… Mihaileanu utilise une forme rare pour aborder la « solution finale ». La réussite vient probablement de la distorsion entre cette histoire inventée par le fou d’un village et l’autre histoire, la vraie. Quelques semaines avant La Vie est belle de Benigni, Train de vie de Mihaileanu réussit à faire accepter un ton qui fait taire une bonne fois pour toutes les critiques se demandant « peut-on rire de tout ? ».