Pourquoi Limosin a-t-il décidé de tourner Tokyo eyes autrement qu’en France ? La réponse à cette question paraît évidente : l’auteur a besoin du cadre précis du Japon pour développer sa thématique, à savoir le surplus d’images qui marquent notre époque. Malheureusement, cette raison, aussi noble qu’elle puisse paraître n’est pas la bonne. Si Tokyo eyes se déroule au Pays du Soleil levant, c’est tout simplement parce que Paris Eyes n’aurait pas fait un bon titre. La démarche de Limosin ressemble en effet à une vile manipulation destinée à recueillir les suffrages critiques en profitant de l’engouement suscité actuellement par L’Asie cinématographique ; Car chez Limosin le cinéma c’est une affaire de paraître et c’est en cela que son film est particulièrement irritant. Pendant une heure trente on a l’impression d’être devant une succession d’effets de style plus ou moins réussis : techno à fond, personnages hallucinés et ultra charismatiques (une midinette speedée et un justicier lunatique inoffensif), long travelling dans les rues tokyoîtes inondées de néons… On croirait du Besson à ambition poétique.

Mais là n’est pas le pire, le plus aberrant c’est que Limosin, loin de profiter de l’occasion de tourner au Japon pour éviter tout cliché, fonce droit dedans, nous resservant des images mille foi vues au sujet du pays nippon : mangas, jeux vidéos, salarymen épuisés et le paradoxal (dans le cas du film), discours sur les images incessantes. Vous me direz alors que toute ces choses font parties intégrante du quotidien d’un japonais, soit, mais expliquez moi alors pourquoi c’est un français qui soulève ce problème, si problème il y a, car, à moins de me tromper, il n’y a pas un seul manga dans Cure de Kyoshi Kurosawa, aucun jeu dans Okaeri de Makoto Shinozaki, strictement aucun discours sur l’image dans le Labyrinthe des rêves de Sogo Ishii, soit trois des plus grands jeunes réalisateurs japonais actuels qui eux soulèvent un problème bien plus profond que la simple overdose d’images évoquées par Limosin pour justifier le mal de vivre des japonais. A croire que le réalisateur français a écrit son scénario en se basant sur les reportages télés type « avoir 20 ans à Tokyo ».

Néanmoins il reste des moments de grâces qui font que Tokyo eyes ne sombre pas entièrement dans les zones d’ombres de nos esprits cinématographiquement écœurés. le début en fait partie, et il est bien dommage que la suite ne soit pas du niveau de cette introduction où Limosin nous fait grâce de sa maigre thématique laissant espérer le meilleur avant de nous gaver du pire. Il y a aussi cette scène avec Takeshi Kitano, où, loin de son habituelle figure, il arrive à instaurer la tension qui manque tout au long du film. Mais doit on en féliciter Limosin ?