The Rebirth suit la spirale infernale de deux vies solitaires, rythmées d’actes manqués et de gestes répétés. Connu et apprécié pour son cinéma empreint de réalité où l’action (aussi banale soit elle) est vécue dans toute sa durée, Masahiro Kobayashi risque malgré tout avec ce dixième film d’en laisser plus d’un sur le carreau. Articulé autour d’un exercice de style périlleux, poussant à l’excès ses effets de répétition, The Rebirth, c’est un peu la description de la journée type de deux écorchés vifs. Lunettes noires pour elle, regard détourné pour lui, Junichi et Niriko, parents de la génération geek, ordi, wifi, tentent d’échapper au drame qui les lie : le meurtre de la fille de Junichi, assassinée par celle de Niriko. Réunis dans un même lieu pour des raisons professionnelles, ils vont se reconnaître, s’ignorer, s’attirer, se repousser, jusqu’à résoudre l’équation complexe de la rédemption et du pardon.

Etouffée par la répétition et la lenteur des gestes de chaque personnage, l’action du film est mise sur « off », à l’image de la vie désertique et fantomatique de ces deux solitaires captifs de leur torpeur. Quotidien verrouillé, têtes baissées et bouches scellées, les personnages se terrent dans le mutisme et l’abnégation, se limitant à exécuter passivement les derniers gestes de survie. Et parce qu’il faut bien manger pour survivre, c’est autour du rituel du repas que Masahiro Kobayashi articule son récit. Soit la répétition obsédante de la même scène (Junichi vient manger le repas préparé par Niriko), au risque de propulser le public vers la sortie de secours par excès de patience et de lenteur. Prise dans l’engrenage de ce chaos calme où les jours se répètent sans s’altérer, dans un mutisme angoissant et tenace, l’impatience laisse place à l’observation du moindre changement qui pourrait venir balayer le mécanisme épuisant de cette boucle infernale.

Et juste avant qu’il ne soit trop tard, le film prend une toute autre direction. Sur le mode « Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis » le récit s’ouvre enfin. Et c’est sous les faux traits d’un « Je t’aime, moi non plus » que s’ouvre la porte des possibles. De la répulsion à l’attraction il n’y a qu’un pas à franchir, celui du pardon demandé et accepté, faut-il encore avoir la force de mettre un pied devant l’autre et de s’y aventurer. The Rebirth met donc la patience du spectateur à rude épreuve : sur la corde raide, il repousse au plus loin l’issue possible du changement. Et si le cheminement narratif est long, lent, répétitif au risque d’être pénible, il traduit avec acharnement le douloureux chemin d’une rédemption. Au final, ce n’est plus vraiment un film que l’on regarde, la vie nous rattrape, et c’est à la fois infinimenent rasoir et terriblement bouleversant.