Conçu pour le cinéma, et parce que son sujet est plus glamour de prime abord, The Queen est en quelque sorte une suite donnée à The Deal, très bon téléfilm réalisé par Stephen Frears en 2003 sur les relations entre Tony Blair et le leader du Labour, Gordon Brown, à qui Blair a grillé la politesse quand il s’est agi d’occuper le 10, Downing Street. Suite, parce qu’on retrouve le même acteur dans la peau du prime minister et la même logique de ressemblance qui conduit le casting et le jeu des comédiens (Helen Mirren dans la peau de la Queen). Suite, surtout, parce que s’y poursuit un travail plutôt intéressant sur la télé et le cinéma, le télé-cinéma qui est le mode d’expression où Frears aujourd’hui retrouve un peu de verve. The Queen s’ouvre sur une scène où la reine pose pour un peintre tandis que la tévé diffuse les images de Blair fraîchement élu : ce partage des supports est le motif du film, où s’invitent régulièrement des images tévés plein cadre.

Ce que raconte The Queen est tout aussi palpitant que son dispositif, puisque l’action, ramassée l’espace d’une semaine (entre la mort de Lady Di et ses funérailles), ne s’accomplit que dans le miniature de la parole échangée : coups de fil, revues de presse, brèves conversations, etc. Le film se déroule durant la semaine suivant la mort de Lady Di. Tandis que le pays pleure, la famille royale n’interrompt pas ses vacances pour regagner Londres, considérant que la mort de l’ex-femme du Prince Charles, donc ex-membre de la famille royale, n’est pas une affaire d’état mais une affaire privée. La queen fait sa tête de cochon, la foule gronde, c’est la crise. A chaque instant du récit, c’est l’image qui renseigne sur le statut de tous et de chacun. Tout le bricolage autour des images d’archives est la chaudière du film, dans son rapport avec la reconstitution proprement dite, et d’ailleurs les personnages gardent en permanence un œil rivé sur la télé, comme pour vérifier l’effet de leurs actes dans la sphère voisine, parallèle, de l’image. Lady Di, le seul personnage à n’être pas incarné par un comédien (et donc échappe à la question de la ressemblance acteur/personne réelle), est pure apparition télévisuelle, elle se manifeste de-ci de-là dans le film et son statut cathodique est la signature de son aura, à quoi répondent les milliers de têtes pleureuses vibrionnant sur les images tramées : raccourci net qui élucide le pathétique et fascinant rapport d’idolâtrie qu’entretient le peuple vis-à-vis des têtes couronnées.

Le film a beau s’intituler The Queen, il s’agit surtout d’une étude sur le phénomène Lady Di. C’est précisément cet archaïsme que le film élucide brillamment, davantage encore que celui d’une famille royale complètement déconnectée de la réalité du pays.