Auréolé du succès international de son précédent film Cours, Lola, cours (1999), Tom Tykwer s’attaque ici à la passion amoureuse sous la forme d’un conte de fées hypnotique et dérangeant. L’amour arrive souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Par exemple, sous un camion… lorsqu’on vient de se faire renverser par celui-ci. C’est pas pratique mais ça peut arriver. C’est le cas de Sissi, infirmière dans un hôpital psychiatrique, qui, entre la vie et la mort, a juste le temps de tomber amoureuse du jeune et joli voyou qui lui sauve la vie : Bodo. Et cette rencontre donne lieu à une scène d’une rare intensité (une trachéotomie filmée comme une scène d’amour) où se mêlent l’attraction et la répulsion. Aussi, lorsque Bodo s’enfuit, la jeune femme est bien décidée à retrouver sa trace… et qu’importe si lui préfère la fuir.

The Princess and the warrior raconte l’histoire de ce couple improbable en mêlant les genres (histoire d’amour et polar) avec plus ou moins de finesse. Tom Tykwer signe ici un scénario ténu où chaque détail s’imbrique parfaitement pour dévoiler in fine un étrange puzzle. A l’image de la distorsion du temps (jeu sur le rythme avec des accélérés et des ralentis qui soudain égrènent les secondes), la mise en scène fourmille d’idées et distille au compte-gouttes une inquiétude sourde. C’est que ce petit monde où tout peut arriver est peuplé de personnages troubles, à commencer par les deux héros, interprétés par Franka Potente et Benno Fürmann, sobres et énigmatiques jusqu’au bout. Les seconds rôles prolongent l’excellent choix de la distribution et contribuent à créer un climat déroutant, notamment au sein de l’hôpital psychiatrique où les repères habituels volent en éclats. Le film joue constamment sur cette déroute et réussit de main de maître à créer un malaise de plus en plus persistant grâce à une réalisation inventive. Le choix des décors, la musique lancinante et la photo extrêmement travaillée y sont aussi pour beaucoup. Pourtant, peu à peu, les travellings et mouvements de caméras esthétisants finissent par lasser. Et la dernière demi-heure, au symbolisme appuyé, trop démonstrative, gâche quelque peu le plaisir d’un film choc qui jusque-là n’avait pas besoin d’explications pour convaincre.