Le nouveau Michael Bay, chapeauté par Dreamworks, était pour le moins attendu. Pas de surprise cependant à l’arrivée, tant même en l’absence de Bruckheimer le réalisateur de l’invraisemblable Bad boys 2 s’apparente à une sorte d’animal à la vulgarité compulsive, chantre d’un cinéma se nourrissant de sa propre bêtise, fanfaronnant et génétiquement dégénéré. Le scénario, sympa, aurait pu être une occasion pour Bay de sortir de ses habitudes de yankee consanguin : des clones retenus dans un vaste centre hi-tech, organisés en société totalitaire, servent d’assurance sur le corps à leurs doubles dans la vie réelle. Un jour, deux d’entre eux découvrent l’envers du décor et s’évadent dans le monde que nous connaissons. Jeu d’inversion sur la réalité et pur mouvement rétroactif : la promesse, sinon d’un chef-d’oeuvre, d’un bon pop-corn movie.

Oui mais voilà, malgré une première partie relativement aguichante, le film s’écrase très vite sous le poids de la mise en scène pachydermique du cinéaste. Paradoxe, car la recherche de musicalité, de fluidité et de mouvement qui est au principe de chacun de ses plans (musique de clubber, maniérisme discount, pas un plan fixe) se voit continuellement déçue par la stupidité des cadres (l’escapade de nuit sans la moindre embûche filmée en plan d’ensemble, du point de vue d’une caméra de surveillance) et le découpage de pompier pyromane devenu marque de fabrique mongolo de l’auteur. Vient la découverte du monde réel, grand moment : les deux naïfs, incarnés par Ewan McGregor et Scarlett Johansson, déboulent en plein désert avant de débarquer dans un pub sudiste. L’Amérique de Bay est celle des gros péquenots reluqueurs de blondasses, des vrombissements de pétrolettes customisées en dragsters, des blagues épaisses sur fond de country rehaussée de techno bovine. Le film fonce alors tête baissée dans un univers devant plus à Shérif fais moi peur qu’à Minority report, réduisant tout son imaginaire SF à une grande foire aux saucisses de supermarché.

Plus rien à sauver enfin, du rôle pantin de Djimon Hounsou, prétexte Benetton lamentable, aux invraisemblances délirantes qui témoignent du cynisme estival du projet. Seule effet involontaire, cette pure expérience qui voit Scarlett Johansson, incarnation d’une supra-sensualité très chic depuis Lost in translation, réduite à un rôle de bimbo de poster routier. Derrière chaque mimique, drôle de double-mouvement : celui d’un jeu à la peine, à bout de souffle et tout près du gouffre, et celui d’un pur corps rayonnant, résistant miraculeusement à la dissolution promise dans le grand bouillon de vulgarité de l’ensemble. Il y a là comme un hiatus, quelque chose d’aussi étrange et puissant que d’imaginer Marilyn Monroe perdue dans un porno de seconde zone. Petit trouble pour un maigre butin.