Il y avait évidemment de quoi être curieux, à l’idée de découvrir la première fiction consacrée aux émeutes de 2009 à Téhéran. D’autant que Rafi Pitts, auteur d’une poignée de long-métrages dont un beau docu-entretien avec Abel Ferrara, a pour lui une réputation critique, certes confidentielle, mais plutôt flatteuse. The Hunter s’annonce d’abord assez faible : film de festival comme il s’en produit au kilomètre, succession peu inspirée de vignettes molles qui ne peuvent prétendre à une quelconque justesse naturaliste (la direction d’acteurs et l’écriture sont bien trop maladroites pour ça), et n’a rien à gagner non plus du côté d’une certaine radicalité d’auteur – que le cinéaste vise manifestement. A cela s’ajoutent grisaille et mutisme, autres ingrédients connus pour parfaire la formule. Rafi Pitts, qui interprète lui-même le rôle principal, joue beaucoup de son charisme taiseux, et ne joue à peu près que de ça, à l’image d’un film légèrement poseur, et surtout franchement renfrogné.

Et puis il faut bien reconnaître que The Hunter décolle, et révèle par moments une inspiration nettement plus stimulante. Ali apprend la mort de sa femme au cours d’une manifestation (l’annonce du drame donne lieu à une scène embarrassante : interminable et mal jouée), puis se mue en tueur de flics, avant d’être à son tour pourchassé. Un revenge movie (façon Ferrara première période) dans un film iranien : greffe improbable et stimulante qui pour un temps emmène Pitts du côté d’un film de genre minéral et épuré, assez proche dans l’esprit du Traqué de Friedkin. La course-poursuite promet même de prendre une coloration absurde, lorsque le prisonnier et ses gardiens se retrouvent perdus en pleine forêt, forcés d’improviser un plan de sauvetage. Et l’on n’est pas loin de se dire que cette traque dans les bois pourrait, à la manière des sublimes westerns de Monte Hellman (ou d’un épisode mémorable des Soprano, « l’enfer blanc »), nous faire passer de la série B à Becket.

Hélas, tout retombe, à mesure que The Hunter s’enferre dans des questionnements éthiques d’une balourdise assez navrante. Lesquels donnent lieu, notamment, à cet échange vraiment pas possible entre les policiers, sur le sort à réserver à Ali : « Si on le tue, on ne vaut pas mieux que lui », plaide laborieusement l’un, avant de se retourner vers son prisonnier pour lui expliquer, sans rire : « Tu n’aimes pas les flics, mais tu sais, derrière l’uniforme, on est des hommes, comme toi ». Il est tout de même paradoxal de retrouver aujourd’hui, dans le giron du cinéma d’auteur, les clichés auxquels même les polars américains les plus simplets ont fini par renoncer. Vraie déception, donc, que ce film aussi fulgurant parfois dans ses intuitions, que sommaire dans ses formulations. Il faudra s’en contenter en attendant Essential killing, le nouveau Skolimovski (en salles le 6 avril 2011), qui, sur un terrain apparemment assez proche, devrait satisfaire sans mal les promesses que The Hunter n’a pas su tenir.