L’idée de remaker un film comme Terreur sur la ligne est en soi un pari un peu grotesque. Le film de Fred Walton est probablement le chef-d’oeuvre du thriller domestique, et pas seulement pour sa première partie inouïe, dont personne n’a oublié les terribles « avez-vous été voir les enfants ? » lancés par le tueur à sa proie. Quand en plus c’est Simon West qui s’y colle, on entre de plain-pied dans le burlesque. Le résultat est logiquement aberrant, bien que plutôt sympathique puisque le scénario se contente d’exploiter la première partie du film de Walton, face-à-face téléphonique entre un détraqué et une jeune baby-sitter, pendant une heure trente.

Tout ce qui faisait la force du film original (sécheresse, neutralité, atonalité du style) est ici gonflé à bloc, un peu comme si on transformait un marathonien en bonhomme Michelin. Le marathon éprouvant du film de Walton laisse ainsi place à une sorte d’attraction boursouflée dans laquelle tout est vu sous l’angle extra large : maison futuriste et labyrinthique, décors extraordinairement travaillés par la photo (souvent sublime) de Peter Menzies Jr., mouvements de caméras customisés aux effets sonores grandiloquents, effets de manche en série, etc. Ce qui dégonfle évidemment toute la charge de tension du récit au profit d’une ballade aux confins du fantastique dans l’imaginaire apathique et grossier du réalisateur des Ailes de l’enfer. Résultat : une baudruche dans laquelle pas une scène ne fonctionne, sinon par légers à-coups irréalistes (quand l’héroïne sort de la maison pour rejoindre le cabanon du jardin).

Pire, le lent et implacable mouvement en spirale du récit originel, qui rapprochait peu à peu le mal des refuges les plus intimes de l’héroïne du film de 1978 (l’effroyable scène du lit, à la fin) se meut ici en parabole atrophiée et naïve sur l’Amérique et ses démons (le danger vient de l’intérieur, le ver est dans le fruit) sans que jamais l’ensemble ne prenne corps d’un point de vue dramatique. On peut à la rigueur se dire que Simon West, après les médiocre mais sympathiques Elizabeth Campbell et Lara Croft, a au moins pour lui de revendiquer une légèreté fumiste et une approche tout en ludisme du cinéma qui, ailleurs (imaginons un Jan De Bont à la mise en scène d’un tel film), écoeurerait là où ce Terreur sur la ligne 2006 se contente d’amuser cyniquement. Pas le Pérou c’est sûr, mais l’essentiel est sauf : ce remake ni fait ni à faire est oublié sitôt vu.