Douze ans après la révolution T2, voici donc Le Soulèvement des machines : moins une révolution cette fois que l’improbable come back de la dernière chance pour Schwarzenegger, seul véritable survivant de la franchise initiée par James Cameron. On n’a pas fini de gloser sur le rapport étrange qu’entretient le film de Mostow avec les deux précédents volets de la série : mi-remake du second (le T-1000 remplacé par une blonde glaciale et surpuissante), mi-retour aux origines du premier (place à la bourrinade pure et à la barbarie la plus réaliste sur le mode chair / acier / béton). Ce qui est beau, dans T3, est cette position cristalline que le film tient vis à vis du « Terminator spirit » : à la fois très respectueux (les grandes scènes attendues sont bien là) et en même temps complètement décomplexé (quelques touches d’humour bien loin de la gravité un brin niaise du second épisode).

Mostow, on le sait, est moins un cinéaste virtuose qu’une sorte d’idéal absolu de « filmmaker » : un réalisateur capable de déplacer des montagnes en un clin d’œil, avec toujours cette effarante sobriété de jeune routard surdoué qui n’aurait peur de rien (faire un film de sous-marin à l’ancienne dans U-571), absolument rien (se jeter dans T3 avec à peine deux films au compteur). Avec un demi-Schwarzie flapi et bedonnant -le film joue à merveille de ce statut de has-been-, un scénario tenant en quelques lignes (éviter que le « Jour du Jugement dernier » ne se réalise trois heures à peine avant l’apocalypse), le réalisateur de Breakdown avance comme si de rien n’était, multipliant les tours de force (une poursuite démentielle de camions de chantiers et de grues qui ravagent trois boulevards en un quart d’heure) avec une extraordinaire simplicité. T3 retrouve ainsi l’esprit sauvage et brutal du premier Terminator, série B de luxe encore bien loin de l’abyssale pureté du second épisode. C’est véritablement sa grande réussite : ne pas chercher l’aboutissement technologique mais une sorte de respiration perpétuellement coupée et relancée, ne cherchant que le boost et le bond perpétuel en avant, sans pauses ni fignolage.

D’où un film aux allures de gros chantier incandescent, absolument pas peaufiné, dont la relative laideur de certains effets numériques (l’arrivée des deux robots au début) se trouve compensée par la démesure de scènes d’action proprement hallucinantes. Simultanément, la simplicité des rapports qui unissent les personnages (en gros : sauver le père), la charge métaphysique presque liquidée (contrairement aux délires psycho-cybernétiques de Matrix reloaded, tout reste ici vu dans une perspective humaine et on ne peut plus carnée), T3 agit comme un objet parfaitement anachronique. Ni une révolution ni en aucun cas une surprise pour qui a vu les deux premiers films de Mostow : simplement un très grand film d’action.