Pitié, pas les années 90. Pas déjà. Inarrêtable, la grande machine à siphonner la mémoire cinéphile du trentenaire moyen poursuit son funeste ouvrage, grignotant l’ère de ses premières soirées vidéo après lui avoir fait caresser de nouveau le doux pelage de Chewbacca. Spud, Mark Renton et Begbie sont de retour: Danny Boyle adapte Porno, dans lequel Irvine Welsh prolongeait en 2002 les aventures de Trainspotting.
Sa méthode pour faire mine d’assumer cette opération de charme générationnel ? En gros, la même que celle du Réveil de la force ou des Trois frères, le retour : faire précisément des fixettes passéistes son sujet premier, mettre en abyme le syndrome Peter Pan affligeant son public. Le ton est donné dès le départ : Renton est de retour à Édimbourg ; recraché par sa seconde vie rangée à Amsterdam, il est prêt à renouer avec son ex-acolyte Sick Boy. Retrouvant sa chambre d’ado, il déniche un vieux vinyle d’Iggy Pop qu’il dépose sur sa platine. La batterie de « Lust for Life » résonne une seconde, avant que notre héros ne se ravise et relève la tête de lecture, la mine lourde : mieux vaut laisser le passé là où il est. Le film bâtira toute sa rhétorique autour de cette tentation de replonger dans les vieux disques, de se muer en junkie accro au zeitgeist de ses vingt ans. Une rhétorique tout en punchlines frelatées (« tu es un touriste dans ta propre jeunesse »: on s’en ferait presque un t-shirt), aussi légères que les gesticulations du casting, contraint de verser dans la parodie des rôles de 1996.
Le problème, au-delà de cette lourdeur, c’est que le premier Trainspotting macérait lui-même dans une atmosphère de gueule de bois généralisée. Les personnages (et la Grande-Bretagne entière) y étaient déjà englués dans une nostalgie pour les années Factory Records. Consommées dans des clubs singeant les décors d’Orange mécanique ou de Taxi Driver, les drogues les maintenaient dans leurs vieux rêves euphorisants. Les sorties étaient d’ailleurs plus drôles : « tu ne peux pas passer tes journées à te défoncer en écoutant ton Ziggy Pop. -C’est Iggy Pop. -Peu importe. Ce type est mort de toute façon. -Mais non, il a joué l’année dernière, Tommy est allé le voir. » En 2017, la réplique n’a rien perdu de son mordant. C’est d’ailleurs ce qui ajoute à la vision de cette suite un vent de dépression, partiellement voulu : Iggy Pop vit toujours, l’époque s’accroche encore à ses vieilles amours en s’échinant à ranimer les plus moribondes, et nous restons prisonniers de la forteresse postmoderne dont Trainspotting, avec Pulp Fiction et quelques autres, célébrait la naissance au milieu des années 90.
La rehab’ proposée par T2 Trainspotting fait donc fatalement doublon. C’est qu’à force de rembobiner l’histoire en quête de tombes à profaner, le grande tractopelle nostalgique a fini par jeter son dévolu sur des films eux-mêmes hantés par le bégaiement du monde et de ses sous-cultures. Et alors que ceux-ci tentaient d’inventer leur propre langue pour dire leur mélange d’exaltation et d’angoisse (le film de 96 s’aménageait un petit labo à trouvailles, pas toujours déplaisantes), T2 tâtonne à la recherche d’une forme inédite, et s’empêtre dans une esthétique indécise – un peu de postmodernisme 90’s par-ci, un peu de slapstick moche par-là. Sans compter que le script invite le « méta » dans l’équation, pour tenter de la rendre vertigineuse : c’est en couchant sur le papier ses anecdotes de défonce, au lieu de les ressasser jusqu’à plus soif, que Spud trouve un palliatif à l’héroïne. Il se change donc implicitement en Irvine Welsh, l’auteur des romans, et aussi, un peu, en Danny Boyle. Quoique naïve, l’idée serait touchante si elle ne fleurait pas tant l’opportunisme pseudo-théorique (toute l’époque n’est qu’une gigantesque mise en abyme, vous pigez ?).
De cette dépense à vide, et de la frénésie amenée par le corps tout en nerfs de Robert Carlyle (Begbie, le fou furieux), on ne retiendra qu’un vif sentiment de gâchis, mêlé à l’impression de voir les vieilles extases pop-culturelles annihilées toujours plus violemment par ceux qui entendent les faire rejaillir. Mais ce second volet a tout de même quelques mérites : 1) rappeler ce que le premier avait, malgré ses défauts, de prophétique 2) souligner l’urgence de nous cramponner fort à nos draps au son d’une techno potable, et nous désintoxiquer une fois pour toutes de nos fiévreux souvenirs.
Pitié, pas Danny Boyle.
Le premier est déjà un objet sympathique mais bien inoffensif alors celui tant de temps après doit faire légèrement pitié…le film a récolter combien sur 5 ? Cest pas visible sur téléphone :p
Le premier est déjà un objet sympathique mais bien inoffensif alors celui tant de temps après doit faire légèrement pitié…le film a récolter combien sur 5 ? Cest pas visible sur téléphone :p
Le premier est déjà un objet sympathique mais bien inoffensif alors celui tant de temps après doit faire légèrement pitié…le film a récolter combien sur 5 ? Cest pas visible sur téléphone :p
Le premier est déjà un objet sympathique mais bien inoffensif alors celui tant de temps après doit faire légèrement pitié…le film a récolter combien sur 5 ? Cest pas visible sur téléphone :p
Le premier est déjà un objet sympathique mais bien inoffensif alors celui tant de temps après doit faire légèrement pitié…le film a récolter combien sur 5 ? Cest pas visible sur téléphone :p
0,5 je crois
2/5
J’y étais presque