Après un affligeant nanar aux prétentions démesurées (Je suis né d’une cigogne), on s’attendait au pire de la part de Tony Gatlif. Swing, sans être un bon film, est regardable, ce qui constitue déjà une agréable surprise. La principale faiblesse de Gatlif, c’est sa naïveté : mais plus que son manque de talent, plus que son absence de regard sur les choses filmées, c’est justement cette naïveté qui donne à Swing son côté assez attachant.

Gatlif filme la relation trouble entre un jeune bourgeois et un petit manouche aux allures d’éphèbe. En trouvant un habile moyen de détourner le manque évident d’intérêt de son histoire (filmer de longues scènes musicales dès que l’intrigue patine), Gatlif parvient à réaliser une sorte de documentaire lyrique sur la vie d’une famille manouche dans la campagne strasbourgeoise. L’absence de point de vue (filmer le folklore gitan) autant que d’inspiration est très vite comblée par un habile usage des scènes documentaires ou des séquences de transe musicale. Quelques passages aériens, où l’on flotte au-dessus des pâturages sur fond de swing manouche, donnent au film une dimension chatoyante et onirique assez proche de ce qu’on a pu voir récemment chez Damien Odoul (Le Souffle), un mélange de candeur hallucinée et de sensualité naturaliste très adolescentes. Pour le reste, en gardant toujours le point de vue du touriste fasciné, Gatlif revient à ce qu’il avait trouvé dans Gadjo Dilo : un thème fort qui croit pouvoir se suffire à lui-même, évitant tout enjeu de mise en scène au profit d’une succession de vignettes folkloriques en roue libre.

On peut donc voir le film de deux façons : accepter cette simplicité du dispositif et savourer ses scènes de musique envoûtantes (à la limite, fermer les yeux et écouter) ou voir en quoi les motivations de Gatlif restent on ne peut plus suffisantes d’un point de vue cinématographique. Si sa naïveté de cinéaste lui permet d’éviter l’impudeur inhérente à ce genre de film, Gatlif échoue complètement à rendre cinégénique la musique qu’il filme. Ses gros plans, ses mouvements de caméra, ses cadrages sont toujours aléatoires, jamais en phase avec le rythme ou la cadence du réel filmé. Pour cela, Swing est plutôt raté : jamais il ne parvient à ouvrir sur un réalisme magique, enchanté, alors que le sujet s’y prête particulièrement. Pour le reste, il n’est pas non plus un mauvais film : simplement une oeuvre attachante, à des années-lumière de la grâce euphorique d’un Kusturica et des envolées de mise en scène qu’une telle croyance en son sujet nécessiterait.